Une ville, une histoire : Bethioua, des ruines romaines aux ports gaziers

Une ville, une histoire : Bethioua, des ruines romaines aux ports gaziers

Fondée sur les ruines d’une ville phénicienne devenue ensuite Portus Magnus, Bethioua tire son nom de ses premiers habitants, les Bettioua ,une population berbère majoritairement rattachée à deux clans, Beni Tmait et Zegzaoui, dont les ancêtres auraient quitté la rivière du Kert au sein des Ayt Saïd et Temsamane il y a six cent ans pour s’installer à Mazagran.

Le petit hameau a toujours été un centre d’exportation de blé et de bétail grâce à son port « El Marsa » devenu ensuite Arzew le port. Du temps des Ottomans, il s’agissait d’un fief administratif, gouvernant l’ensemble de la région à l’ouest de la Macta et dont le caïd Ahmed ben Tahar était notamment connu pour avoir enseigné au jeune Emir Abdelkader. Son port servait au stockage de blé et d’orge et sa réputation de chevaux de bonne qualité avait perduré jusqu’à l’époque française. Le village de Bethioua était divisé en deux parties, la principale au sud était formée par la branche Zegzawa de la tribu, la deuxième partie au bord de la mer rassemblait les autres fractions de la tribu (Beni Tmait). La présence de kouloughlis (issus de mariage de soldats turcs à femmes berbères) est aussi notée. L’histoire de la ville romaine de Portus Magnus est peu connue. Érigée sur une falaise qui domine une plaine la séparant de la mer, elle portait le nom de Portus Magnus, que l’on suppose également avoir recouvert le site portuaire s’étendant depuis Arzew. L’historien Ibn Khaldoun nous informe notamment que le nom de Bethioua est à l’origine celui d’une grande confédération ayant pour habitat la région du Rif, ce nom se trouve tantôt écrit Botouïa, tantôt Battouya, tantôt Bettioua. Il s’agit d’un rameau des Berbères sédentaires des Sanhadja, dits ‘fondateurs d’empires’, dont le rameau sédentaire se trouve dans la Kabylie et dont parmi les principales de leurs réalisations figure l’empire fatimide, la Qalaa des Beni Hammad, le royaume de Bougie ou encore l’empire almohade. Parmi les principales familles sanhajis d’Alger figure les Botouïa aux côtés des Beni Mezghanna19. À la chute des Almohades, les Ibettiwen du Rif tombèrent au mains des Mérinides de Fès. Les habitants du Rif ne firent aucune difficulté pour reconnaître leurs nouveaux maîtres mérinides et découvrirent même le moyen de tirer d’eux de sérieux avantages dans l’histoire. Une des femmes des Ibettiwen, Oum el Youm, fille des Ouled Mallahi de Tafersit entra par mariage dans la famille royale et mit au monde un garçon qui devint le souverain mérinide Yaqoub ben Abdelhaq2.L’histoire en Oranie des Bethioua qui ont donné le nom de la commune est établie, sans certitude absolue, par recoupement de données orales recueillies au XIXe siècle. Les Bettioua (en berbère Ibettiwen20) sont issus d’une puissante tribu berbère du même nom, peuplant le Rif (Maroc) et qui avait prêté ses armes aux Beni Merin contre les Beni Bou-Hafs. En 1370, les Bettioua suivirent le sultan mérinide Abd el-Aziz dans son expédition contre les Berbères du nom des Maghraouas dans leur capitale de Mazouna. Ils se fixèrent après leur défaite sur ce même territoire, près de Mostaganem, tout en maintenant un certain courant d’échanges avec leurs congénères rifains21,4. Nous savons comment les armées se déplaçaient à ce moment-là : elles se composaient non seulement des guerriers, mais aussi de leurs femmes et de leurs enfants. Cette installation au XIVe siècle est présentée par Émile Janier en 1945 sur la foi de la tradition orale, qu’il ne voit aucune raison de rejeter, et non celle d’une installation au XVIIIe siècle, dont le tenant le plus éminent était René Basset, qu’il trouve « hésitante [et] ne s’appuie sur aucun texte », s’inspirant de récits oraux recueillis par son disciple S. Biarnay. L’ordonnance des 4 et 31 décembre 1846 créée le centre de population de Saint-Leu en lieu et place de Vieil Arzew qui sera érigé en commune de plein exercice en 1873. Durant la guerre qui opposa l’Émir Abdelkader aux troupes françaises, les Bettioua durent quitter leur ville et se réfugier près de Mostaganem et notamment à Mazagran où ils étaient à l’origine installés25. Plus tard, quand la pacification fut complète, les autorités françaises proposèrent aux Bettioua en guise de remerciement d’une certaine pacificité à leurs égards, de leur céder des terres dans la région de Mostaganem, mais ils demandèrent à être réinstallés à Arzew où ils vinrent relever leurs maisons et cultiver leurs jardins. Après la conquête française de l’Algérie, un centre de population européen est fondé en 184629 à quelque distance de la tribu des Bettioua sous le nom de Saint-Leu, le nom d’Arzew ne désignant plus alors que le port à quelques kilomètres au nord-ouest. Ce centre est compris parmi les colonies agricoles aménagées en 1848 dans le cadre du décret de l’assemblée nationale du 19 septembre 184830. Il est érigé en commune de plein exercice en 1873, la commune englobant la tribu des Bettioua et le site de Portus Magnus.