Une difficile paix des braves

Une difficile paix des braves

A bien des égards, la scène politique nationale fait du surplace et n’arrive pas à surmonter son incapacité à devenir une véritable force qui fasse aller de l’avant un pays qui va doucement à la dérive. Cela s’est vérifié, hélas, une fois de plus jeudi dernier lors d’un exercice de style hallucinant d’un Premier ministre à la double casquette à l’Assemblée nationale. Ahmed Ouyahia, il faudrait un jour délimiter dans notre pays les prérogatives d’un Premier ministre en même temps chef de parti, a sorti la grosse artillerie contre l’opposition parlementaire et à un moment donné il a vraiment parlé en tant que chef du RND et non comme un Premier ministre, qui défend certes le programme du président, mais surtout garant des intérêts de son gouvernement et des Algériens.

Jeudi, il s’est lâché et a oublié qu’il est le chef d’un gouvernement appelé à réaliser des challenges bien difficiles, délicats dans une période hérissée d’écueils, de clignotants annonciateurs d’un retour à la vitesse grand V des restrictions budgétaires et la fin de l’état de grâce, et un retour vers des moments socialement difficiles. Ahmed Ouyahia, tombé dans la facilité d’un discours rébarbatif pour les électeurs inscrits pour les prochaines élections locales, n’a ménagé personne dans le camp de l’opposition en rajoutant une couche qui atteste de la forte tension au plus haut sommet de l’Etat, s’attaquant à un ancien chef de parti qui fait actuellement un pressing de tous les diables pour l’application de l’article 102. Le gouvernement a confirmé jeudi dernier qu’en Algérie, il n’y a plus de jeu politique sain, démocratique, qui tend vers l’instauration d’une alternance au pouvoir. Il a tué, pour ceux qui y croyaient encore, toute possibilité d’un vrai jeu démocratique et la saine concurrence politique pour l’accès au pouvoir.

Non, le SG du RND et actuel Premier ministre, avec un discours souvent hautain et condescendant, truffé de contre-vérités comme cette histoire de cantines scolaires qui n’existaient pas avant l’arrivée au pouvoir de M. Bouteflika, aura déçu plus d’un. En rabaissant l’opposition «à une seule personne», qui «apparaît comme l’éclipse solaire et disparaît pendant six mois, revient et appelle à une révolution populaire», le chef du gouvernement montre en réalité qu’il est venu à la tribune plus pour en découdre et ridiculiser l’opposition que pour défendre un plan d’action qui sera de toute évidence adopté par sa majorité parlementaire. Il est évident, dès lors, que les Algériens doivent s’attendre au pire et se préparer à des moments difficiles au cours des prochaines années. C’est ce que le Premier ministre a occulté, en réalité, en ouvrant des fronts et des plans de bataille vraiment inutiles contre l’opposition, à un moment où tous les partis politiques, d’opposition comme ceux proches du pouvoir, doivent observer une sacro-sainte union pour mettre au point une stratégie nationale pour contrer les effets sociaux et économiques désastreux de cette crise économique.

Non, à la place de l’union, de la cohésion et du rapprochement de tous face à un adversaire commun, une crise économique qui, si elle n’est pas bien circonscrite, va mettre en péril la souveraineté nationale, on assiste à une guerre de positions, inutile, préjudiciable pour le pays. Quel intérêt le pouvoir a-t-il dans ces moments tragiques à diviser les Algériens, à s’attirer les foudres de l’opposition qui, elle également, ne sait pas quand attaquer et quand négocier «la paix des braves» ? Cruelle situation que les plus avertis avaient déjà prévue. Mais, a-t-on jamais prêté attention aux marginalisés et tous ceux qui ont été écartés et humiliés pour avoir dit ce qu’il fallait au moment qu’il fallait, avant la catastrophe ?

par Mahdi Boukhalfa