«Tacharaftou bi rahilek» de Fairouz Recham : Une écriture en mode majeur!

«Tacharaftou bi rahilek» de Fairouz Recham : Une écriture en mode majeur!

L’encre de ce roman algérien, semble faite d’une mixture de k’hôl, qui fait aussi bien larmoyer que dessiller le regard, le rendant plus clairvoyant, plus beau…

Une femme écrit, Faïrouz Recham, une Algérienne de surcroît, serait-on tenté de dire… Pourquoi de «surcroît»? Il aurait été plus simple, pourtant, de renvoyer le lecteur à son premier roman «Tacharaftou Bi Rahilek» («Honorée, de votre départ») et il aurait eu toutes les réponses possibles, voire plus…

Car dans ce brûlot, rédigé d’une plume aussi pointue que prévenante, l’auteure, également de «Poétique des genres littéraires dans la littérature arabe: Le cas de Nizar Kebbani», jette, d’une telle manière, les dés sur le tapis (plus si) vert de notre existence, que l’on deviendrait presque accro à son écriture, à sa narration et que l’on guetterait avec impatience son prochain roman…

Stéphane Mallarmé aimait à dire qu’«un coup de dé, jamais n’abolira le hasard, quand bien même lancé dans des circonstances éternelles»…

C’est aussi cette éternité, douloureuse, avec la froideur qui sied à la colère, (qu’elle a élégante) que dépeint l’écrivaine, universitaire de formation, la plaçant d’emblée, dans le sillage de deux baroudeuses du terroir littéraire féminin algérien, Assia Djebar et Yamina Mechakra…

Il fallait dompter cette écriture moderne pour parler, avec distance et sans acrimonie, de l’archaïsme dans lequel se débat la femme, pour exister, ou plutôt survivre…

Socrate racontait que pour s’accoutumer des effets du poison, dans l’Antiquité, on se prescrivait par doses croissantes.

C’est ce qu’on appelait la mithridisation… Ici la toxicité viendrait des idées de l’extrémisme religieux, qui ont bouleversé la donne, précipitant les êtres dans une ère médiévale qui sacrifie la raison sur l’autel de la soumission…

Faïrouz Recham met, pour sa part, en garde contre cette culture de la mithridisation, à l’effet mortel garanti. «Le vent soulève la poussière, et pourtant tu ne vois pas le vent, mais la poussière» disait Ibn Arabi…

A sa manière l’auteure, le dit aussi; un avertissement émis avec l’intelligence du style.

Fatma-Zohra, l’héroïne de «Tacharaftou Bi Rahilikoum», ne traverse pas que les apparences, brandies comme autant de fatales certitudes, par ceux qui ont décidé de régir son existence du «berceau au tombeau», selon la formule galvaudée.

Cette femme qui a fait l’apprentissage de tous les modes de violence faites au femmes, «généreusement» enseignés par son congénère masculin, aboutit à cette conclusion si prométhéenne:

«Il est vain de continuer à jouer le rôle de la victime opprimée par le mâle et la société car cela n’aboutit à rien, voire à plus d’humiliation.»

Comme en écho, à ce qu’écrivait, en 2009, Gisèle Halimi, l’avocate de Djamila Boupacha: «Enfermée dans son rôle féminin, la femme ne mesure pas à quel point son oppresseur est lui-même prisonnier de son rôle viril. En se libérant, elle aide à la libération de l’homme.».L’encre de ce roman algérien, semble faite d’une mixture de k’hôl, qui fait aussi bien larmoyer que dessiller le regard, le rendant plus clairvoyant, plus beau…

Édité par Dar Fadaat, à Amman, «Tacharaftou Bi Rahilek», mérite largement une réédition nationale, afin de le rendre disponible pour le lectorat algérien, en attendant une version traduite en français, afin d’en élargir l’audience. Ce qui ne serait que justice, au regard de ce talent prometteur de Faïrouz Recham, qui ne demande qu’à être découvert et reconnu.

* L’auteure signera son roman mardi 31 octobre à 14h, à Dar Faddat – Hall Casbah C12.