SILA: l’édition algérienne obnubilée par le roman

SILA: l’édition algérienne obnubilée par le roman

La majorité des éditeurs tablent sur le roman qui représente un chiffre important dans les publications algériennes, lors de leur participation au Salon international du livre d’Alger (SILA), pour réaliser des ventes importantes.

L’intérêt pour le roman s’explique par l’engouement qu’il suscite sur les réseaux sociaux et dans la presse culturelle, outre le pullulement des prix destinés au récit.

Les étagères des librairies algériennes devront, au cours des prochaines semaines, accueillir plus de 200 romans, produits de maisons d’édition algériennes, selon les pronostics du Sila, dénotant du taux important du lectorat et de l’existence d’un véritable marché du roman en Algérie.

Le romancier Bachir Mefti de la maison d’édition « Manchourat El Ikhtilaf » a affirmé, à cet égard, que « ses éditions ne se focalisent pas sur le roman, qui est moins présent que les ouvrages d’études et de philosophie », reconnaissant cependant que « l’affluence sur le roman lors du SILA est plus significative que sur les autres ouvrages ».

Il a, à ce propos, relevé qu’au cours des dernières d’années, les ouvrages d’études et de critique étaient plus prisés.

« Le foisonnement auquel nous assistons aujourd’hui ne signifie nullement la qualité « , a-t-il estimé, déplorant, dans ce contexte, « l’existence de parasites parmi ceux qui écrivent et éditent juste pour tenter leurs chances ».

« Seule une petite minorité vient à l’écriture par passion et sérieux », a-t-il rappelé. En dépit d’une « anarchie généralisée », il sera procédé à « une grande opération de tri et de filtrage », car même si « le lecteur se perd dans des dizaines de textes sans valeur, il finit toujours par trouver son chemin dans la jungle des écrits », a-t-il soutenu.

Pour le directeur d’édition d' »El-Djazair Takra’a », Abderrazak Boukebba, « la prédominance du roman sur nos publications n’est qu’un début et non une perspective », révélant, à ce propos, que ses éditions s’emploient à former prochainement un collectif de maisons d’édition pour s’ouvrir sur les autres domaines d’édition.

Nassima Belguendouz, directrice de la maison d’édition « Bohima » a estimé, pour sa part, que « le roman revêt une magie particulière, car il est la fiction de la vérité et la vérité de la fiction en même temps », ajoutant que le roman « suscite l’engouement du lecteur, ce qui incite l’éditeur à présenter ce qui est à même de servir et de satisfaire la demande et de raffiner le goût ».

Elle a nié, toutefois, le fait que le roman prédomine sur les publications de sa maison d’édition, car même si « son chiffre est le plus élevé, son taux ne dépasse pas les 30% ».

Décrivant le récit algérien, Mme Belguendouz a dit que « la scène algérienne du récit comporte aussi bien des points négatifs que positifs » dus, selon elle, « aux goûts qui différent » et à « l’approche faite du roman et de l’écriture, autant par le lecteur que par l’écrivain ».

Mme Belguendouz ne nie pas, cependant, l’existence d’écrits de haute qualité et de différents choix chez les écrivains actuels ».

Les prix littéraires: véritable motivation pour les éditeurs et les auteurs

De nos jours, l’Algérie compte à son actif bon nombre de prix littéraires, à l’instar des prix Tahar Ouettar et Assia Djebar (Alger), prix El-Djazaïr Takra’a et prix Mohammed Dib (Tlemcen), prix Abdelhamid Benhadouga (Borj Bou Arriridj) et ceux dédiés au roman. Il s’agit d’une motivation supplémentaire pour les auteurs et un leitmotiv pour relancer un lectorat orienté vers la narration.

L’auteur critique Bachir Dhifallah estime que cela ne peut qu’être profitable au lectorat et aux écrivains pour se faire un nom, d’autant que «le roman est au centre de plusieurs manifestations régulières », indiquant que les prix «ont éveillé un certain goût littéraire chez les lecteurs, grâce aux titres primés».

Le romancier Mohamed Djafar croit, quant à lui, que «la situation a radicalement changé», affirmant que «les prix littéraires se sont substitués à l’idéologie. C’est dire qu’il existe, de nos jours, des écrivains à prix et non des romanciers ». Pour M. Djafar, «tout écrivain qui s’engage, corps et ame, dans l’écriture romanesque, n’avance qu’en récitant la formule magique lui permettant de décrocher le titre suprême de lauréat». « Nous nous retrouvons ainsi devant un roman unique répétitif et ennuyeux », a-t-il soutenu.

Le directeur des Editions El-Djazaïr Takra’a, le poète et écrivain Abderrazak Boukebba voit, pour sa part, que «leur principal projet visait à forger un lectorat digne de ce nom», reconnaissant, toutefois, que les prix ont joué un grand rôle pour hisser la côte du roman au plus haut niveau, d’autant que leur maison d’édition avait institué le prix El-Djazaïr Takra’a, dédié aux écrivains, jeunes et moins jeunes.

M. Boukebba a rappelé, à ce titre, qu’il avait reçu 300 manuscrits en lice pour le prix de la première édition de ce concours.

Exprimant son avis sur l’écriture uniquement pour l’obtention d’un prix, l’éditeur a soutenu que les prix ont certes «encouragé certains auteurs à se lancer dans l’écriture de nouveaux ouvrages et amené d’autres à terminer leurs écrits à l’arrêt, ce qui s’inscrit en droite ligne avec la principale finalité de ses éditions». Toutefois, a-t-il ajouté, «nous ne nous focalisons pas sur le gain pécuniaire, autant que nous aspirons à garantir les droits d’auteurs».

Dans une déclaration à l’APS, l’écrivain Bachir Mefti a fait savoir, pour sa part, que « les grands prix du roman arabe, et principalement «Booker», constituent un véritable catalyseur pour le marché romancier ».