Rencontre-dialogue avec les écrivains Ryad Girod et Jérôme Ferrari à Alger: “L’écriture est un acte politique”

Rencontre-dialogue avec les écrivains Ryad Girod et Jérôme Ferrari à Alger: “L’écriture est un acte politique”

     Lors de cette rencontre organisée à la librairie l’Arbre à Dires, les deux auteurs sont revenus sur leur écriture, l’interaction avec le monde et l’engagement dans la littérature.

Dans le cadre de la traduction en langue arabe par les éditions Barzakh du roman Où j’ai laissé mon âme de Jérôme Ferrari, le lauréat du prix Goncourt 2012 était l’invité de la librairie l’Arbre à Dires. Accompagné de son acolyte Ryad Girod, prix Assia Djebar pour son roman Les yeux de Mansour, les deux écrivains ont dialogué jeudi, devant un public nombreux, autour de diverses thématiques liées à leur écriture, l’engagement littéraire et autres problématiques du monde contemporain, notamment la bonté, la métaphysique, le mal et la noirceur.

Sur la manière dont il articule ces thématiques, Ryad Girod a soutenu que dans son précédent roman La fin qui nous attend (éditions Barzakh) avoir abordé “une réflexion autour de la bonté où j’ai mis en scène un clan d’autoritaires et de religieux qui ne sont pas fixés dans un lieu précis. Cela aurait pu se dérouler à Alger des années 90, au Liban ou en Syrie”.

Dans ses écrits, l’écrivain a expliqué qu’il tente de questionner et de trouver “une possibilité de compréhension sur ce monde actuel qui va très vite et dans lequel nous sommes bombardés d’informations”. Malgré leur “différence” avec Jérôme Ferrari, “nous avons le souci de nous engager dans ce monde, d’apporter quelque chose. Je pense qu’écrire est un acte politique. On apporte une vision, une analyse, des interrogations, et c’est fortement un engagement politique”. Interrogé par le modérateur Sofiane Hadjaj sur l’interaction d’un auteur avec le monde qui l’environne, Girod a indiqué avoir “besoin d’un temps assez long pour choper l’esprit et l’âme qui le traverse, sans jamais m’extraire d’un engagement politique”.

Et de renchérir : “Je préfère prendre le temps et poser des questions dans le roman, afin de mettre en lumière des problématiques et poser la complexité des choses.” Pour sa part, Jérôme Ferrari a précisé qu’il y a “plein de manière de faire de la littérature. Penser qu’un texte a une dimension politique n’est pas nécessairement parce qu’il prend position sur des éléments d’actualité”. Pour l’auteur d’À son image, le texte littéraire peut être “politique sans prendre position. Il faut écrire le livre sans donner d’avis, montrer la complexité des choses, et montrer les rouages à l’œuvre c’est refuser de reprendre le débat dans les termes qui sont inacceptables”.

D’ailleurs, il a informé l’assistance avoir toujours refusé d’écrire pour la presse, mais s’il a été chroniqueur dans le quotidien La Croix en 2015, “car le débat public en France est devenu intolérable. Avant, je me disais qu’il n’y avait pas de raison que ma vision soit plus pertinente, mais à un moment donné, je devais le faire !”, a-t-il martelé.

À propos de l’engagement dans les médias par les auteurs, Ryad Girod a raconté vouloir le faire “depuis quelques jours, je bouillonne fortement mais je ne me sens pas vraiment compétent ; la situation actuelle est compliquée et complexe, ce qui m’intéresse le plus est de comprendre plus que de m’exprimer et donner mon avis”. Cette rencontre-dialogue à la librairie l’Arbre à Dires a permis entre autres à ces deux enseignants de lycée, convertis en écrivains prolifiques, d’échanger également sur la littérature d’urgence et l’interculturalité dans les écrits.

Hana Menasria