Récompensé du prix de la méditerranée 2018: Kamel Daoud, l’écrivain récidiviste

Récompensé du prix de la méditerranée 2018: Kamel Daoud, l’écrivain récidiviste

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Quand bien même, on l’accuserait de servir des agendas extérieurs, il n’offre pas moins un espace de débat et «libère» la parole des Algériens dans un sens comme de l’autre.

Kamel Daoud, l’écrivain algérien le plus primé de sa génération a reçu, il y a quelques jours une énième distinction. Ainsi, le lauréat du prestigieux prix Goncourt du premier roman, a été distingué par l’Académie française de la Grande Médaille de la francophonie. Cette «nouvelle étoile» dans le parcours, très significatif de l’écrivain, vient confirmer un ancrage dans l’histoire de la littérature francophone, mais également le grand talent de Kamel Daoud qui, en quelques années d’aventure «romanesque» a su séduire un large public dans sa langue d’écriture, mais pas seulement, puisqu’il est en passe de se positionner comme l’un des auteurs algériens les plus traduits de l’histoire de la littérature nationale. Puisant ses thèmes dans la réalité de l’Algérie contemporaine, Kamel Daoud a choisi de n’écouter que sa seule conscience. Accusé d’appuyer des agendas politiques outre Méditerranée, il n’en a cure et poursuit son voyage littéraire en s’abreuvant des contradictions profondes qui traversent la société algérienne, sans cacher son opinion propre, au risque de «froisser» une partie de son auditoire qui souhaiterait plus de nuances dans son discours.

Acteur actif de la «République facebook», dont il est l’un des animateurs, il rend les coups, discute, argumente et s’en tient toujours à sa version première, histoire de signifier à ses lecteurs, comme à ses contradicteurs, le caractère assumé de sa démarche. Pour le reste de la planète, Kamel Daoud est un écrivain talentueux qui ne laisse personne indifférent, jusqu’au président Emmanuel Macron.

Dans son pays, il est bien plus que cela. C’est un personnage public qui déchaîne les passions et suscite des débats parfois à la limite de la correction. Mais l’un dans l’autre, Kamel Daoud est une sorte d’éveilleur des consciences pourrait-on dire.Et pour cause, quand bien même, on l’accuserait de servir des agendas extérieurs, il n’offre pas moins un espace de débat et «libère» la parole des Algériens dans un sens comme dans l’autre.

En étant tranchant et parfois «injuste» à l’endroit de la société algérienne, l’écrivain n’en change pas la nature pour autant, mais contribue avec ses «suiveurs» et ses «adversaires» l’auscultation d’une société qui, quoi qu’on dise a tout de même beaucoup de choses à se reprocher.

Le verbe «excessif» de Kamel Daoud réveille plus qu’il n’éclaire vraiment sur la nature profonde des Algériens. Mais le rôle d’un écrivain n’est-il pas de prendre le risque de «la marginalité» pour dire aux siens ce que devrait être leur nation dans un futur proche ou lointain?

Il faut souligner, au passage, que la Grande Médaille de la francophonie, comme le prix Méditerranée obtenu en mars dernier, à l’image de beaucoup d’autres distinctions, ne sont pas le résultat de l’activisme de Kamel Daoud sur les réseaux sociaux ou dans la vie réelle à travers les nombreuses rencontres qu’il anime aux quatre coins du pays. Les prix sont de justes récompenses de son talent et sa présence sur le terrain est l’expression intellectuelle de celui-ci auprès de ses concitoyens.

Pour ceux qui ont assisté aux conférences de l’écrivain, ils conviennent de sa grande capacité à conceptualiser les situations et son audace à dire certaines vérités qu’on murmurerait dans d’autres circonstances.

On aura aisément admis que si l’on peut lui dénier la faculté de visionnaire, il est cependant clair que Kamel Daoud est un briseur de tabous et un «facilitateur» de débat, dans une Algérie qui a tant besoin de se dire ses quatre vérités. L’apport de l’écrivain dans la vie de son pays n’est donc pas négligeable et il en a conscience. C’est sans doute pour cette raison qu’il y vit, pour être au plus près d’une société qui doit trouver son chemin vers la modernité, sans se départir de son authenticité.

La voix de Kamel Daoud n’est ni la meilleure ni la pire dans cette Algérie en mutation. Elle est cependant nécessaire, autant que toutes les autres.