Petit carnet de voyage à la Havane: Cette mystérieuse île aux cigares…

Petit carnet de voyage à la Havane: Cette mystérieuse île aux cigares…

Hind oufriha

C’est en tant qu’invitée par le ministère de la Culture, le 7 février 2019, que nous avons fait partie de la délégation chargée de couvrir la participation algérienne à la 28ème Foire internationale du livre de La Havane (Cuba), prévue jusqu’au 17 février 2019. Nous avons profité pour visiter la célèbre île caraibienne des révolutionnaires…

L’Algérie était pour la première fois, l’invité d’honneur dans un pays latino-américain. Aussi, nous dûmes d’abord supporter une dizaine d’heures de vol avant de goûter au charme du pays de la salsa. Notons que l’événement coïncidait aussi avec le 60ème anniversaire de la Victoire de la révolution cubaine. Arrivés avec un changement de température notable-plus de chaleur et plus d’humidité- nous sommes descendus à l’hôtel Blaza, situé en plein centre de La Havane, pas loin du célèbre bar que fréquentait le romancier Ernest Hemingway, à savoir le Floritada. A 18h, il y a beaucoup de monde. Le bar est animé par un groupe féminin.

Trois jeunes femmes habillées tout en rouge jouent de la musique et l’une chante. Parmi ces morceaux fredonnés allégrement par l’assistance, on reconnaît le fameux La bamba! Ici à La Havane la musique coule à flots comme le mojito et, la salsa est reine. Au lobby de notre hôtel, un groupe de musiciens et un pianiste reprennent des morceaux des plus connus, de Céline Dion à… le Buena Vista Social Club, bien évidemment! D’ailleurs, un endroit des plus branchés porte le nom de ce fameux film. A l’ origine le Buena Vista Social Club était une mythique boîte de nuit dans la banlieue de La Havane.

Après la révolution cubaine de 1959, cette boîte de nuit fut détruite. Etait- ce la même que celle que nous avons visitée? A l’intérieur, des tables et des chaises. On se croirait dans une salle des fêtes de prime abord, tant les sièges sont joliment décorés. Que nenni, en un temps trois mouvements l’ambiance survoltée des grandes boîtes latinos se met en place. C’est le cas dans la Casa Dell Musica. Située au quartier Miramar de La Havane, ce lieu se décline en un grand restaurant-bar. Face à l’assistance, trône majestueuse une grande scène sur laquelle vont se succéder des groupes de musiciens et chanteurs latinos jusqu’à tard dans la nuit.

Les corps exultent. Femmes et hommes dansent allégrement. Ici, avoir le rythme dans la peau prend tout son sens. Que ce soit dans la rue, les restos en plein air ou ailleurs, la musique parvient forcément à vos oreilles. Ici personne ne prête attention à personne. Les gens sont simples, sereins et serviables! On y croise un homme ou un couple de Cubains et vous voilà à destination de l’endroit recherché. On ne vous laisse pas tomber. Mais on vous guide jusqu’à bon port. L’on est sympa avec les touristes. Peut-être parce que nous sommes algériens et le rapport de fraternité algéro-cubain a dépassé les frontières? Autre exemple étonnant de générosité, c’est lorsque nous sommes montés dans un bus depuis la Foire du livre, destination le centre-ville.

Nous n’avions pas de monnaie locale. Une vieille dame et son amie sont venues immédiatement à notre rescousse. Et de payer le receveur. A La Havane, il suffit de marcher un peu, de longer son ventre et vous voilà dans la vieille ville, appelée communément «La Habana Vieja». Ici les petits commerces destinés aux touristes se multiplient à vue d’oeil. Les touristes payent en cuc (le peso cubain convertible), l’équivalent d’un euro. Tee-shirts, instruments de musique, manettes à frigo, chapeaux et autre toiles, colifichets remplissent ces petits magasins, y compris les marchés. Des toiles aussi, car ici l’art est une affaire autrement populaire.

Le street art côtoie les magasins et les bars. La Havane se nourrit d’art. L’on nous affirme qu’il y a beaucoup de dessinateurs ici. Les sculptures sur pierre se font à même les murs. Un passage par l’avenue Paseo del Prado vous permettra de découvrir des artistes qui exposent leurs tableaux. Il fait bon flâner dans cette rue où de belles et anciennes bâtisses ont été restaurées et rendent la balade agréable.

Les héros révolutionnaires in!

A La Havane le Che est partout, là où votre regard se balade. Sur les tee-shirts, les casquettes, les toiles, les affiches, les librairies et même les magasins de vêtements ou encore le marchand de légumes! Car ici on a l’impression que le temps s’est arrêté. Réflexion faite, il s’est arrêté même s’il tente une certaine manoeuvre vers le futur. Le présent en tout cas semble bien étrange, mais il reste attachant. Retour vers le futur! En effet, la célèbre série aurait pu se tourner ici. Les librairies qui foisonnent dans chaque quartier de la vieille ville ressemblent beaucoup plus à des locaux de bouquinistes.

Les vieux livres prennent le dessus sur les plus récents. Autour, les affiches, représentant Castro et Che ornent ostentatoirement les murs. Mais l’on peut tomber sur une affiche des Rolling Stone à

La Havane ou des graffitis de Jimi Hendrix, lors de notre balade en ville. Chose étonnante, pour éviter de payer une sorte de taxe à l’Etat, nombreux sont ceux qui transforment leurs propres maisons, en salon de coiffure, librairie ou en galerie d’art, en travaillant à leur propre compte!

L’art comme s’il en pleuvait

Et pourtant, exit le privé! Ainsi, ce n’est pas surprenant par exemple de lorgner, au loin, un levier d’une cuisine quand vous vous trouvez à l’entrée d’une librairie. Vous comprendrez que vous êtes entrée avant tout chez cette dame, c’est-à-dire dans sa maison. Du particulier qui vire vers le public. Ou vice versa? Du commerce clandestin qui arrange tout le monde en tout cas. C’est le cas lorsque vous pénétrez dans un salon jouxtant des tableaux tout autour. Ceci n’est pas à proprement parler une galerie d’art, mais presque!

Pour ce qui est de la librairie, les livres s’entassent en cercle à l’entrée et l’on peut tomber nez à nez sur un vieil ouvrage concernant José Marti (homme politique, philosophe, penseur, journaliste et poète cubain. Il est le fondateur du Parti révolutionnaire cubain. Il est considéré à Cuba comme un héros national, le plus grand martyr et l’apôtre de la lutte pour l’indépendance). Des livres certes, mais aussi des vieilles photos et des cartes postales étalées dans ces bibliothèques d’un temps révolu où le passé domine le présent et le vieux livre celui plus récent. Néanmoins, l’atmosphère peu commune qui s’y dégage est à savourer délicatement.

La Havane respire l’art, nous n’aurons de cesse de le répéter. Ici à cause de l’embargo, le privé n’a pas lieu d’être et malgré la bonne volonté de Obama, tout semble ne pas avancer dans le bon sens à cause de Donald Trump qui a rompu les accords de son prédécesseur. Ceci étant dit, les magasins du style Impario, Armani, Zara ou encore Azzaro pour homme ont pignon sur rue. Sachant que 70% de la population est soutenue par l’État, qui peut se permettre d’acheter ces vêtements quand on sait que le salaire moyen d’un Cubain avoisine les 29 dollars? Pour autant le cubain ne s’avoue pas vaincu, mais arrive à vivre en multipliant les boulots pour s’en sortir.

Cependant, la pauvreté est parfois tenace comme ces mendiants que l’on a aperçus par endroits. Un monde parallèle où l’image flamboyante d’un tourisme exotique, en pleine expansion, contraste avec la vie simple de ces petites gens qui n’ont rien demandé… Ceci étant dit, Cuba sait pratiquer et vendre son tourisme. Elle y met les moyens, elle! La Havane classée patrimoine de l’humanité par l’Unesco, mérite entièrement son titre effectivement. Rencontré dans la vieille ville, l’artiste-peintre Idalgo nous reçoit dans son salon, entouré de toiles. La particularité de sa peinture? Le quarantenaire peint à partir de pigments de cigare.

Ce dernier est une des fiertés nationales du pays, qui se vend partout. D’ailleurs, l’Etat a institué une loi pour les touristes. Il est interdit de prendre avec soi plus de deux paquets pour les emmener dans son pays. «Je peins ce qui me plaît. Mais la particularité de mon travail si je peux dire, c’est ce que je teste et j’expérimente tout le temps, le pigment du tabac.» Le pigment des plantes naturelles est un procédé bien courant chez les artistes. Mais celui du tabac, c’est quelque chose de nouveau que nous découvrons ici dans cette vraie, fausse galerie. Idalgo nous confie qu’il a de nombreuses expositions à son actif. Il a déjà exposé en Allemagne et en Espagne, en Ukraine, à New York, au Mexique etc.

«De mon point de vue, la situation de l’artiste, ici, à Cuba est bonne. Si je veux monter une exposition, je demande l’aide de certaines institutions. Il n’y a pas de galerie ici à proprement parler, mais on peut exposer dans les hôtels notamment. Il y a une certaine forme de galerie privée, mais soutenue par l’Etat. Il y a énormément d’artistes à La Havane.» Et d’ajouter: «On peut vivre de son art plus ou moins. Je suis à la base de formation designer et décorateur d’intérieur. Mais la peinture reste une passion. Ici je vis et ici je travaille», fait-il savoir à propos de son domicile transformé parfois en lieu d’exposition. Et d’expliquer: «La politique culturelle étatique fait en sorte qu’on doit aimer l’art et la culture depuis son jeune âge.»

Il est bon de rappeler que l’enseignement artistique à Cuba est gratuit. Les professeurs de musique par exemple ne sont pas payés, mieux encore! C’est l’Etat qui pourvoit les jeunes musiciens en instruments de musique. Tout le monde peut devenir musicien ou artiste-peintre, reste le talent qui fera après la différence. «Le cigare est un vrai phénomène à Cuba», insiste Idalgo. Et de confier: «Le cigare est plus qu’une tradition, mais renvoie à l’histoire du pays avec l’arrivée de Christophe Colomb et sa découverte de l’Amérique. Lorsqu’il découvre pour la première fois Cuba, il trouve des Indiens qui fument des cigares.

Interdit à Cuba de boire l’eau du robinet

Donc tout le monde ne peut pas prétendre fumer tout le temps le cigare ici, même ailleurs.» Parlant de son travail, Idalgo avoue que ce sont beaucoup plus les touristes qui achètent ses oeuvres. Les prix varient d’une toile à une autre. Ça démarre de 10 cuc et cela peut grimper facilement à 200 cuc jusqu’à 600 cuc (euros). A Cuba il fait bon, certes. Mais les petits inconvénients pour le touriste que nous sommes, l’obligation d’achat systématique de cartes pour pouvoir accéder à Internet et de bouteilles d’eau pour pouvoir se désaltérer sachant qu’il est interdit à Cuba de boire l’eau du robinet.

Mais cela demeure quelque peu superflu comparé à la beauté de ses sites enchanteurs et son histoire… Il suffit d’ailleurs de voir passer une belle Cadillac rose fushia et vous voilà de bonne humeur pour le reste de la journée. La mythique île des Caraïbes n’en finira pas de vous séduire. Que dire de ses belles plages avec son sable doré et propre, entourées de cocotiers? Un petit avant-goût du paradis? Assurément…