Ouverture du 9e festival international du cinéma d’Alger: Sous le signe des migrants…

Ouverture du 9e festival international du cinéma d’Alger: Sous le signe des migrants…

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C’est Wadjib, le film de l’excellente réalisatrice palestinienne Annemarie Jacir qui a ouvert le bal du Fica à la salle Ibn Zeydoun, évènement qui s’étalera jusqu’au 9 novembre en cours.

La neuvième édition du Festival international du cinéma d’Alger dédié au film engagé s’est ouverte samedi soir à la salle Ibn Zeydoun de l’Office Riad El Feth, lieu où se dérouleront les projections pour cette nouvelle édition. Inaugurant la cérémonie, dans son allocution d’ouverture, le ministre de la Culture soulignera «le caractère de ce festival qui impose chaque année sa présence par la qualité de sa programmation. Sa valeur fondamentale est son aspect humain avant tout» a-t-il fait savoir. Et de faire remarquer que l’axe choisi par le festival cette année est la problématique des migrants. «Un sujet qui préoccupe le monde entier et qui est encore plus important que le terrorisme.»

Azeddine Mihoubi félicitera aussi les organisateurs de faire encore et toujours de la question palestinienne un des sujets phares de ce festival. «Car la Palestine doit et devrait rester au coeur des préoccupations de l’ensemble de l’humanité.» Mihoubi rappellera aussi que la veille, le Prix de la créativité artistique Myriam Makeba a été attribué au Fespaco qui fêtera en février ses 50 ans. Un représentant d’ailleurs de ce festival est présent pour coanimer une table ronde sur la rencontre des festivals ce matin. Notons que l’idée de l’organisation du Fespaco est née en Algérie lors du Panaf de 1969 a-t-on indiqué. Pour départager les prix, un jury bien varié a été mis en place. Ce dernier a été invité à monter sur scène devant une salle pleine. S’agissant du jury documentaire lequel est présidé par Ousmane William Mbaye du Sénégal, celui-ci est composé de Hadj Bensaleh, Michèle Collery (Prix du jury l’année dernière avec un documentaire sur Jean Genet), Yamina Chouikh et Khalil M’kasser ingénieur du son dans le film Nahla.

Côté long métrage, cette catégorie présidée par Nabil Boudraâ (professeur de cinéma et de littérature comparée aux USA et qui a écrit beaucoup sur le cinéma algérien, Ndlr) est quant à elle composée d’André Gazut (qui animera une master class pour les étudiants et les professionnels sur son film portant sur la pacification, à savoir le 5 décembre. Il interviendra également dans le documentaire Choisir à 20 ans (Ndlr) de Safy Boutella et enfin de Gérard Dupond. Rappelons que 18 films, neuf longs métrages et neuf documentaires, prennent part à la compétition de cette 9e édition qui prévoit également la projection de cinq courts métrages et quatre fictions hors compétition. Le cinéma algérien est représenté par les fictions La voix des anges de Kamel Laïch et Le droit chemin de Okacha Touita, projetés en avant-première, ainsi que les documentaires Enrico Mattéi et la révolution algérienne de Ali Fateh Ayadi et Choisir à 20 ans, une coproduction algéro-suisse de Villy Hermmann.

En compétition dans la catégorie long métrage, c’est le long métrage fiction palestinien Wajib, de la réalisatrice Annemarie Jacir, qui a ouvert le bal samedi soir. Un film qui suit le quotidien d’une famille ordinaire palestinienne à Nazareth. Une jeune fille est sur le point de se marier. Son grand frère qui vit en Italie rentre pour assister au mariage. L’acteur en question est incarné par Salah Bakri. Son alter ego dans le film n’est autre que son vrai père Mohamed Bakri. Comme à la vie comme à la scène dirions-nous, puisque le film se fait confronter tout au long de sa durée par les idées contradictoires entre père et fils, qui loin d’être un conflit de générations se veut un vrai débat idéologique entre ce qu’est l’engagement au quotidien. Un peu à la manière du film Les Bienheureux de Sofia Djama, le père qui refuse l’étiquette du héros avoue avoir préféré rester chez lui pour sa famille et se battre sur sa terre et pas comme ceux qui ont tout quitté ou qui vivent aujourd’hui en Europe et dissertent dans les salons sur une hypothétique Palestine.

Mais derrière l’idéologie, le film tient sa force de ces petits détails quasi anecdotiques qui font la vie, qui sont tellement bien rendus à l’écran comme ses querelles pour le choix d’un chanteur qui continue à interpréter, notamment ses mêmes chansons tirées d’un seul album en 40 ans alors que le fils s’y oppose ou encore cette belle scène où la fille essaye sa robe de mariage sous l’oeil du grand frère et du père… Avec tendresse, la réalisatrice parvient à dépeindre avec sensibilité le moindre sursaut psychologique de ses personnages, à nous introduire dans les préparatifs de ce mariage dont on ne sait pas si la mère remariée en Italie va venir assister au mariage ou pas. Jusqu’à la fin. Avec justesse la réalisatrice arrive à décrire les traits de caractère de celui qui part et revient finalement dans son pays avec son lot de critiques et son regard sévère sur son pays qui n’a pas changé. Un peu comme nos émigrés en fait, finalement.

Entre tradition et modernité, rester ou partir, a-t-on vraiment le choix? Un gros dilemme existentiel qui est disséqué avec brio. Le sacrifice humain au coeur de la tragédie palestinienne est si bien rendu par cette réalisatrice qui avait déjà brillé dans When i saw you, toujours avec cet acteur charismatique qu’est Salah Bakri, notre Emir Abdelkader avorté…