Mahboub Bati: Le façonneur de talents

Mahboub Bati: Le façonneur de talents

Ce dimanche en soirée, l’émission télévisée Woudjouh Khalida, présentée par le toujours jeune Bilal, a été consacrée au grand maître de la musique algérienne, Mahboub Bati.

 

Pour revenir sur la carrière de ce monument, l’animateur a invité deux artistes ayant connu de près Mahboub Safar Bati, Kamel Hammadi et Abdelkader Bendamèche, le spécialiste de l’histoire de la chanson algérienne contemporaine qui était, rappelons-le, avant un chanteur de chaâbi. Pour animer cette émission, on a invité de talentueux chanteurs pour interpréter les chansons écrites ou composées par le grand Mahboub Bati. Sur le plateau, des chanteurs tels que Hocine Lasnami, Nacereddine Gualliz ou Goucem, se sont relayés pour nous faire revivre, notamment, les succès de Guerouabi dont El Barah, Yal Werqa et Allô Allô. L’orchestre était dirigé par le talentueux Farid Aouameur qui se fait remarquer par ses arrangements réussis. Abdelkader Bendamèche et Kamel Hammadi qui est, rappelons-le, l’époux de la défunte chanteuse Noura, ont rappelé que Mahboub Bati était à la fois musicien, compositeur, chef d’orchestre et parolier et est considéré comme le leader de la modernisation de la chanson chaâbie. Né à Médéa le 17 Novembre 1919, Mahboub Bati, de son vrai nom Safar Bati Mohamed, Mahboub prend ses premiers cours de musique auprès de musiciens algériens et français tels que Hadj Missoum Hadjersi, les frères Lelouche, Jeannot Acair et Kadouche, qui créent vers la fin des années 1930, le groupe Atomique Bande. Après avoir appris le métier de coiffeur comme beaucoup de grands artistes tels que Hassan Hassani et Dahmane Benachour, il décide de se consacrer sérieusement à la musique et prend des cours de solfège. En parallèle, il apprend à jouer de la cornemuse.

Saxophoniste à Alger

En 1940, son ami et cousin Mahboub Stambouli (ils sont les petits-fils de cheikh Mahdjoub dont le mausolée se trouve à l’entrée de Médéa) l’appellera pour intégrer la première troupe de jazz d’Alger qu’il venait de créer. Mahboub Bati y sera saxophoniste. Quelques temps après, le musicien fera parler de lui dans le milieu artistique algérois et dès le début des années 1950, il commence à être sollicité par les chanteurs pour la composition musicale et les paroles. Bendamèche rappellera qu’il avait également fait partie d’un groupe à Bab El Oued appelé Les chardonnerets. Au début des années 1960, Mahboub Bati explose en devenant l’un des précurseurs de la chanson chaâbie moderne. Bien qu’il avait déjà réussi des succès en composant pour Abderrahmane Aziz pour lequel il avait composé Nedjma, et d’autres chanteurs, l’histoire gardera de lui les tubes de Boudjemâa El Ankis, Amar El Achab, Guerouabi, Amar Ezzahi, Fettouma Ousliha, Seloua et d’autres tels que Chaou, Nadia Benyoucef et Zoulikha. L’artiste était doué pour détecter les jeunes doués et savait bien quoi faire pour lancer un chanteur. Il savait quels sujets lui écrire et quelle genre de musique le mettrait en avant scène. Il était l’homme à tout faire. Il était éditeur, parolier, compositeur, musicien et conseiller. Il a même chanté et inventé une guitare à piles. Plusieurs dizaines de chanteurs de variétés et de chaâbi ne doivent leur réussite qu’à Mahboub Bati. Pour rappeler que les paroles de Bati et ses compositions musicales assurent d’avance le succès, la chanson El Barah chantée par El Hachemi Guerouabi, qui avait fait un tabac avait été proposée à Lamari. Ce dernier qui avait refusé la proposition de Bati a sûrement raté une occasion en or car avec ce tube, Guerouabi est resté au podium pendant plusieurs années. Bendamèche et Hammadi ont signalé que cette chanson avait également été refusée au début par Guerouabi, et que ce n’est que sur conseil de certains artistes, dont Hammadi, qu’il acceptera de l’interpréter et il ne le regrettera pas puisque ce fut son plus grand succès. Lamari se rattrapera avec Ah Ya Qelbi, un succès qui battra tous les records. Grâce à sa belle voix, son charme et l’appui de Mahboub Bati, toutes les chansons de Guerouabi seront des succès, notamment Megouani Sahrane (2e face d’El Barah) Djohra, Ya Lwerqa et Allô Allô, etc. Nesthel El Kya chantée par Amar El Achab et composée par Bati fut aussi un grand succès. Boudjemâa El Ankis avait aussi eu ses moments de gloire avec les chansons Rah El Ghali et Oh ya Ntya, grâce aux compositions et paroles de Bati. D’autres chanteurs ont réussi grâce à Mahboub Bati. C’est le cas de Chaou pour lequel il avait écrit et composé son premier grand succès Djah Rabbi.

Les jeunes rêvaient de le rencontrer

Les jeunes artistes des années 1970 rêvaient de rencontrer Mahboub Bati, car avec lui, on ne peut que s’attendre au passage au professionnalisme. L’artiste qui jouait pratiquement à tous les instruments, de la cornemuse à la guitare, au saxophone, avait le flair et savait quoi offrir au public. C’est, d’ailleurs, pour cela qu’il ne mettait jamais sur le marché un produit risquant un échec. Mahboub Bati, qui avait appris le noble Coran durant son enfance comme tous les petits descendants de son grand-père, le saint patron Cheikh El Mahdjoub, est revenu à la source en 1986 puisqu’après son pèlerinage à La Mecque, il a mis fin à sa brillante carrière pour se consacrer à la religion. Il a formé ses enfants qui sont également de brillants musiciens.

Bari Stambouli