Laghouat, capitale de l’art

Laghouat, capitale de l’art

Du 16 au 20 octobre 2016 s’est tenu à Laghouat le festival national culturel des arts plastiques. Le temps d’une semaine Laghouat a été capitale algérienne de l’art.

Pas moins de 60 artistes peintres, messieurs et dames, ont exposé et participé au concours lancé en ligne par le biais de Facebook Arc en Ciel de l’organisation Aquarelle. Un courriel de participation a été donné ainsi qu’un règlement du concours. Les artistes ont envoyé leurs candidatures et des photos de leurs œuvres. Sur cette base, un jury composé de Messieurs Rayane Yacine, Morsi Miloud et Boutchiche Aïssa a sélectionné 65 artistes de 20 willayas différentes et les a invité à converger à Laghouat.

Du 16 au 20 octobre, pris en charge entièrement par l’organisation ils ont été logés dans différents hôtels; ils ont pu profiter, pour ceux et celles qui ne la connaissaient pas, de découvrir une ville à la porte du Sahara.

Parmi les participants s’est trouvé le grand plasticien Talbi Abdelhamid d’Aïn Temouchent, Toufik Lebsir de Msila et le peintre Nouredine Mokdas de Sidi Bel Abbes.

 Du côté des aquarellistes ont pu être réunis durant ces jours, Djelloul Merhab, Saïdat Belkacem, Laïd Sigaa, Guelouza Mohamed Amine, Daouidi Abdelkader, Boukrika et, venu de Londres, Ahmed Khaloufi.

Quelques éléments d’histoire et de géographie de Laghouat

Laghouat se situe au sud-centre de l’Algérie après les Hauts Plateaux et l’Atlas à 400 km d’Alger par la route et 1H10 de vol en avion à partir de l’aéroport Houari Boumediene. L’aéroport ouvert depuis 3 ans est desservi depuis Alger 3 fois par semaine.

« Vous êtes à la porte du Sahara », vous diront les Laghouatis à votre arrivée. En effet, les derniers reliefs montagneux se situent à Laghouat. Puis. c’est le grand désert du Sahara. Le toponyme de Laghouat, pense-t-on, tire son origine du mot berbère « awat » qui signifie « montagne en dents de scie ».

Vous pensez que c’est un endroit isolé et perdu ? Pas du tout. Vous vous en rendrez compte rapidement. Laghouat est la capitale de la wilaya du même nom depuis 1974, composée de 24 communes (APC) réparties dans 10 daïras, avec une population de 455.602 habitants. recensés en 2008, sur une superficie de 25.000 km² à 200km au sud de Djelfa et 269km de Boussaâda.

Bien que région pastorale, elle possède le plus grand gisement de gaz naturel d’Afrique. Elle possède également une université, hôpital, palais de justice, musée, grande mosquée et un très beau centre culturel. La nouvelle ville est jouxtée à la vieille ville qui présente un caractère fort intéressant avec ses ruelles et sa palmeraie.

Malheureusement; elle a perdu ses sept anciennes portes historiques et une bonne partie de sa palmeraie au profit de l’extension moderne de la ville. On a pas su conserver ces éléments traditionnels et les valoriser dans un but ne serait-ce que touristique. Dommage, car la willaya de Laghouat recèle de sites touristiques notoires telle la plus extraordinaire des gravures rupestres de l’atlas saharien : l’éléphant qui protège son enfant.

Un grand oued, la plupart du temps asséché, l’oued M’Zi borde la ville sur son côté est et deux forts de l’administration coloniale française surplombent la vieille et la nouvelle ville. A l’origine, le peuplement primitif de la région de Laghouat était composé de berbères du Sud, les Gétules. En 653, avec l’arrivée des arabes, une islamisation se doubla d’une arabisation, particulièrement à partir de l’urbanisation de Laghouat par l’action du Marabout El-Hadj Aïssa vers 1725 qui réussit à rétablir la paix entre les habitants et leur a enseigné le Coran et la loi.

Ibn Khaldoum, au XIVème siècle, avait déjà décrit à l’emplacement actuel de Laghouat un Ksar entouré d’un mur de pierre autour duquel gravitaient de nombreux Ksour. Pendant une longue période Laghouat fut jumelée avec Tlemcen. Elle s’enorgueillit encore aujourd’hui de cela.

Laghouat était déjà une ville fortifiée lorsque les Français la conquirent en 1852. L’occupation française fut effective après un long siège de 9 mois et 2500 martyrs laghouatis, soit, plus de la moitié de la population. Certains historiens n’hésitent pas à parler de génocide. Les Laghouatis n’acceptèrent jamais ce fait accompli et dès 1954 ils furent très actifs dans la lutte contre l’occupation française de l’Algérie qui aboutit à l’indépendance le 5 juillet 1962 après une longue lutte armée que l’histoire fait naître le 1er novembre 1954, date du déclenchement de la guerre de libération nationale proprement dite.

La semaine du festival d’art plastique

C’est le 16 octobre que les artistes arrivèrent à Laghouat avec leurs œuvres et les installèrent dans la salle d’exposition du centre culturel Abdellah Benkerriou prévue à cet effet. Tandis qu’une œuvre unique de chacun présentée pour le concours fut exposée dans une salle différente.

Le 17 octobre au matin le wali Monsieur Ahmed Meguellati, nouvellement mis en place, est arrivé en grande pompe. Accueilli par le directeur du centre culturel, Monsieur Sadek Abdelaoui, le talentueux présentateur Bentireche Badis, les artistes, la musique saharienne, les tirs à blanc, les youyous…le tout sous un ciel bleu magnifique qui n’enlève rien au climat agréable de Laghouat en ce mois d’octobre.

Le cordon coupé avec le ciseau présenté par une charmante petite fille en habit traditionnel a permis d’entrer dans la salle d’exposition. Le wali et sa suite allèrent de panneaux en panneaux écoutant les explications des artistes commentant leurs œuvres. Le wali a montré un grand intérêt et s’est risqué à poser quelque fois des questions auxquelles les artistes ont répondu très respectueusement.

Les œuvres des 65 artistes présentaient une belle variété de sujets aussi bien que de techniques. Aquarelles, peinture acrylique ou à l’huile, des techniques mixtes avec parfois utilisation du sable du désert. Des paysages, des portraits, des vues de villes, des scènes paysannes ou traditionnelles algériennes, des scènes de ville, de Kasbah, des natures mortes, des miniatures, des surréalistes du M’sila moderne … Chaque œuvre selon la sensibilité de son auteur.

Certains de ces tableaux prenaient racine dans l’expérience du peintre français Etienne Dinet (1861-1929) installé à Boussaâda et converti à l’Islam sous le prénom de Nasreddine. Etienne Dinet fut le peintre attitré, si l’on peut dire ainsi, de Boussaâda (à 269km au nord) et de sa région et de la société naïlie à son époque (Ouled Naïl). Etienne Dinet peignit aussi à Laghouat (les terrasses de Laghouat, la bataille de Sou, les palmiers de Laghouat).

Il est sans doute le peintre qui a marqué le plus la région des oasis par sa vision de l’intérieur d’une société autochtone vivant en harmonie malgré une présence française que Dinet a volontairement exclue de ses tableaux car il a voulu fixer un mode de vie qui allait forcément disparaître. Bien d’autres peintres orientalistes se sont arrêtés un temps dans cette région de l’Algérie et l’ont peinte. Pensons à des Fromentin, Bouviolle, Antoni, Mainssieux, Birgman (Fondouk de Laghouat), Maurice Fievet et autres qui ont apprécié les ocres des dunes et des architectures, les verts des palmiers, les bleus du ciel et les couleurs bigarrées des vêtements des autochtones ainsi que leurs mœurs ancestraux.

Durant toute la semaine du festival les artistes ont eu la chance de se rencontrer soit dans le centre culturel soit au cours de repas organisés pour eux dans les différents restaurants, soit au cours des visites de la région et de la ville. La willaya de Laghouat recèle des trésors touristiques tels que gravures rupestres, ksars, paysages grandioses… Enfin, des ateliers ont été organisés avec des écoliers pour initier cette génération future aux différentes techniques de l’art plastique et les familiariser avec des grands noms de la peinture. En particulier l’atelier de sables a dévoilé ses secrets. Des échanges fructueux ont eu lieu entre les artistes, les organisateurs et les visiteurs de l’exposition.

Le concours, dont le thème était, « La vie dans nos ruelles », aquarelle ou huile uniquement, et pour lequel chaque artiste a donné une œuvre exposée à part, a été sous la responsabilité d’un jury composé du directeur de l’école des Beaux-Arts de Sétif, Monsieur Abdelhafid Kadri, de l’artiste-peintre Monsieur Farid Daz président de l’association Kheima et de l’artiste-peintre laghouati Monsieur Laïd Sigaa.

Ce jury a décerné des prix pour la technique aquarelle et des prix pour la technique huile allant de 12.000 Da à 70.000 Da Pour l’aquarelle :

  • Le premier prix revint à Hassan Mohamed Amine de Sidi Bel Abbes
  • Le deuxième prix à Khaloufi Ahmed de Laghouat
  • Le troisième prix à Daoudi Abel Kader de Laghouat
  • Un prix d’encouragement à Abdel Alla Salah et Mohamed Mourad Abdelali

Pour l’huile :

  • Le premier prix revint à Farid Bounab de Jijel, une œuvre intitulée « Harmonie du souk »
  • Le deuxième prix à Lebsir Toufik de Bousaâda, une œuvre intitulée « Vieux Boussaâda »
  • Le troisième prix à Mourad Tourki de M’Sila, une œuvre intitulé « Scène de rue »

La semaine s’est terminée le 20 octobre avec une soirée festive animée par un groupe nomade et un groupe moderne de Laghouat. Ce dernier vient juste de sortir un album « Gam el lile » avec le chanteur Salim Ayad.

Les artistes retournèrent dans leurs wilayas respectives enrichis d’une expérience certaine. Laghouat qui, pour sa deuxième édition de ce festival culturel des arts plastiques qui remporta un grand succès, s’ancrera très probablement dans cette tradition de capitale algérienne des arts qui lui sied si bien. Le temps d’une semaine Laghouat, ville enchanteresse et pittoresque aux couleurs pastel, ne peut qu’être faite pour recevoir dorénavant un festival annuel des arts plastiques au centre culturel Abdellah Benkerriou dans ses généreux volumes et jardins d’architecture orientale.

En 2014 une première édition avait eu lieu au même endroit sur une idée de deux artistes Messieurs Rayanne Yacine et Saïdat Belkacem qui avaient réuni une vingtaine d’artistes pour ce premier salon de l’aquarelle « Arc en ciel », une première en Algérie pour cette technique. Grâce à ce premier salon beaucoup de noms ont été lancés qui ont, cette année, détrôné plusieurs prix.