La politique «hallal» 100%

La politique «hallal» 100%

par Abdelkrim Zerzouri

On a réussi la prouesse de dégager un espace électoral aux femmes algériennes qui ont fait leur entrée en force dans le monde de la politique, notamment au sein des assemblées élues, depuis les réformes politiques de 2012, qui ont mis en place un cadre légal accordant aux femmes un quota de 30% de représentation dans les assemblées élues. Depuis, dirions-nous, la femme fait partie du décor politique. Sa «présence politique» est la plus importante dans le monde arabe. Elles occupent des postes au sein de l’exécutif et elles sont des représentantes du peuple au sein des assemblées élues, locales et nationales, soit les APC, APW et l’APN, ainsi que le Sénat, grâce à la désignation au sein du tiers présidentiel particulièrement, car le poste de sénateur obéit à d’autres règles particulières de vote, les sénateurs étant élus par leurs pairs des assemblées locales. Il n’y a pas de doute là-dessus, les femmes algériennes occupent bien le devant de la scène politique, seulement, elles n’ont pas réussi, toutes, à avoir une personnalité affirmée dans ce monde qui ne se fait pas trop d’idées sur la moralité. Il reste encore de l’imparfait, une chape de plomb qu’elles traînent lourdement dans leur sillage, le handicap religieux qui ne croit pas à la mixité. Mais, qu’on se garde de conclure à un échec de la politique d’intégration des femmes dans la politique.

Car, du coup, certains partis de la tendance islamiste se sont ingéniés à proposer aux femmes de faire de la politique «halal» 100%. Ainsi, à cause de croyances religieuses ou de mœurs sociales qui ont la peau de mâles durs à cuire, la femme n’est pas totalement à l’aise dans son rôle de politicienne. Pour échapper à la curiosité, nombreuses sont celles qui se présentent encore aux élections sans visage découvert. Sur les panneaux publicitaires, les affiches des listes de candidats aux élections n’exposent pas de photos de femmes candidates, présentées seulement avec leur nom et des «photos sans visages» ! De quoi a-t-on peur ? Certainement par pudeur. La domination du mâle qui persiste et qui n’admet pas que la photo de sa femme, ou de sa sœur, soit publiquement exposée. Sans omettre d’ajouter qu’il arrive que la femme, elle-même, refuse que son visage soit dévisagé par des curieux sur la place publique.

Elle ne tient même pas à ce que des électeurs mâles lui soient acquis. Elle cherchera plutôt à se faire élire exclusivement par les femmes et entre femmes, on peut se permettre des intimités. Tiens, dans ce sens, l’Alliance (Nahda-Adala-Bina) organise des meetings «yadjouz», réservés exclusivement aux femmes ! La campagne menée par les femmes et pour les femmes, c’est un créneau qu’on cultive à merveille chez les partis islamistes. Leurs voix constituent presque la moitié du corps électoral et, par-dessus le marché, elles ne s’abstiennent pas de voter, elles. Autant courtiser la gent féminine de la manière la plus efficace, lui donner un espace politique intime, «hallal» 100%. Quoique le cachet reste suspect, factice, du moment qu’on ne peut jamais garder cette intimité féminine dans la pratique de la politique.