Hamid Grine invité de  » l’heure du livre « : Mes écrits traduisent la vie…

Hamid Grine invité de  » l’heure du livre « : Mes écrits traduisent la vie…

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La salle Frantz Fanon a accueilli samedi après-midi sa sixième rencontre littéraire placée sous le thème «La littérature entre l’imaginaire et la réalité».

Au côté de Nadia Sebkhi, Hamid Grine était accompagné aussi de l’écrivain Mohamed Sari qui n’est pas à présenter. Après que Nadia Sebkhi eut lu un extrait de Lakhdar Belloumi, un footballeur algérien, un essai de Hamid Grine, ancien journaliste sportif, pour rappel, puis présenté succinctement sa bibliographie, l’ex-ministre de la Communication fera remarquer d’emblée s’être arrêté à un moment donné d’animer des débats car tout tournait autour du politique. Mohamed Sari indiquera qu’une des choses positives que fera le ministère de l’Education est de l’avoir associé à la confection d’une anthologie de la littérature algérienne dans la langue arabe, française et amazighe au profit des jeunes lycéens, c’est pourquoi il était ravi d’être là pour en parler notamment.

Un premier essai expérimental a t-il avoué, regroupant une cinquantaine d’auteurs algériens. «J’ai essayé d’y mettre le maximum d’auteurs, du Fils du pauvre de Mouloud Feraoun jusqu’aux auteurs de la nouvelle génération. Le but était de savoir comment enrichir les bibliothèques scolaires et les faire étudier entre élèves et enseignant en classe?» Pour Hamid Grine, bien que cette entreprise soit louable, il ne suffit pas d’introduire ces auteurs à l’école, encore faut-il, a-t-il estimé «introduire la culture au coeur d’un projet sociétal, c’est-à-dire au sein de la cellule familiale». Celui qui est épris de Gide, Fanon, Camus et autres auteurs au parcours extraordinaire, dira avoir été quand même déçu par Camus bien que tous les écrivains qu’il citera, dont Montherlant, son préféré, aient tous la conscience du verbe. «J’aime ces auteurs car ils nous aident à fortifier notre citadelle intérieure, à vivre. A travers eux je cherche à me nourrir.» Et de confier: «En ce moment je lis Guillaume Musso. On lit ce dernier comme si on entrait dans une salle de cinéma. Ses phrases sont concises, légères, digestes.

Des romans de gare, il en faut dans la vie.» A la critique faite sur son écriture qui soufflerait «à la fois le chaud et le froid», l’auteur de La dernière prière dira que c’est tout à fait normal car «j’essaye de décrire la vie. Le principe de la réalité. Parfois j’essaye de l’embellir». Pause-lecture d’un extrait de La Nuit du henné avec Hanifa Hamouche accompagnée de la douceur des notes d’un guitariste. Evoquant la relation entre la réalité et la fiction inspirée parfois des mythes ou des ouï-dire, Mohamed Sari qui évoque souvent dans ses livres les parcours énigmatiques de Taleb dira que la fantasmagorie est propre à notre société qui croit souvent aux choses mystiques étranges. «Je suis entre ces deux grands pavés, deux vitrines, le réel et l’imagination. Je donne au lecteur l’illusion du réel.

Car je parle d’histoire que tout le monde connaît que j’essaye de transformer et le lecteur s’identifie car il y a plein d’indicatifs spatio-temporels qui l’y conduisent. C’est vraisemblable.» Pour Hamid Grine qui abonde dans le même sens d’idée, il estimera en effet que «l’illusion du réel est plus fort que le réel» en donnant comme référence Belle du seigneur de Albert de Cohen ou encore le personnage de Casanova dont il dira que ce dernier dans La dernière prière lui ressemble à 40%. Hamid Grine avouera ne pas être à l’aise dans l’écriture des histoires tragiques dont son dernier roman Clandestine, entamé en 2004 et fini en 2013. «Mais je préfère tout de même les happy end. Il faut inculquer la culture de l’optimisme, sinon on part se suicider. Après ce qu’on a vécu et par quoi l’Algérie est passée, il faut penser à aller de l’avant et penser à un avenir meilleur…

Il faut arrêter avec la victimisation. Un livre peut changer la vie de quelqu’un mais il peut la détruire aussi, j’en suis convaincu.» Pour Hamid Grine il faut savoir distinguer entre l’auteur et sa vie. Or, ce dernier est toujours victime de l’image que l’on véhicule de lui dans la vie de tous les jours et on oublie de parler de son roman. «Son succès est dû presque au nombre de calomnies dont il fait l’objet.» Il en parlera en connaissance de cause. «Il faut séparer la politique de la culture, même si l’écriture est en soi un acte d’engagement. Si on considère un auteur sur la base non pas de ce qu’il écrit, mais de ce qu’il déclare, ce n’est pas de la littérature.

C’est souvent le cas avec les écrivains marginaux. Car on les réduisant à leur position politique, on ne les juge par sur leurs écrits.» Pour Mohamed Sari l’auteur ne peut «échapper à l’influence de sa vie sur son oeuvre. Il y aura toujours une interférence. Et d’indiquer: «Seuls les bons écrivains subsisteront des années après et il ne restera que quelques bons livres que l’on sortira et qu’on collera comme des étiquettes à tel ou tel écrivain.» Et de confier que Nedjma est marquée du saut du mythe selon lequel les feuilles du roman qui étaient accrochées comme du linge s’étaient envolées et ces dernières n’étant pas numérotées, quand il a fallu les regrouper, cela a donné naissance à ce roman à l’écriture éclatée. «Les gens racontent des choses sur les écrivains. On ne peut pas séparer la vie politique de leurs oeuvres…

Un bon écrivain est celui qui survit une trentaine d’années, après sa mort… On se remettra à évaluer l’auteur partant d’autres paramètres, notamment esthétiques enfin. Mais cela ne rebondit que des années plus tard. Ça deviendra un vrai patrimoine à étudier…» Evoquant à son tour la postérité d’un auteur, Hamid Grine joindra cette dernière au rôle de l’université et de la critique qui jouent un rôle important dans le relais de l’image qu’on veut donner de cet écrivain. «Cette image sera teintée par la culture dominante, notamment de la gauche en France. En Algérie nous avons besoin de modèles culturels.

Or, en Algérie on n’arrive à pas encore à cultiver cette image d’un artiste. Il y a quelques bons critiques dans la presse écrite sans plus.» Un débat sans fin qui amena par ailleurs les présents dans la salle à intervenir et à poser des questions à l’hôte de cet après-midi littéraire fort intéressant.