Gouvernement et mouvement populaire: Quelle solution ?

Gouvernement et mouvement populaire: Quelle solution ?

Ecrit par Ghania Oukazi

La réunion que le 1er ministre a tenue jeudi dernier avec les ministres de Ouyahia était juste pour leur demander de ne pas quitter leurs postes respectifs et de continuer à «gérer les affaires courantes». C’est jeudi dernier que Nouredine Bedoui a convoqué les ministres au palais du gouvernement pour leur apprendre qu’ils ne sont toujours pas remplacés par d’autres nouveaux.

Le jeudi 14 mars, le 1er ministre avait affirmé lors de la conférence de presse qu’il avait animée au CIC conjointement avec son vice-premier ministre que «le nouveau gouvernement sera connu au début ou au plus tard à la fin de la semaine prochaine». Il avait aussi noté qu’ «il sera un gouvernement de technocrates ouvert à toutes les tendances de la société». La semaine s’est écoulée sans que rien dans ce sens n’émerge. Et c’est probablement pour cela que Bedoui a tenu à rencontrer les ministres en poste pour leur demander de continuer leur travail jusqu’à nouvel ordre.

«R.A.S.,» nous a affirmé un haut responsable à la fin de la réunion du gouvernement jeudi dernier. «Il faut continuer à gérer, chacun son secteur jusqu’à que…», nous a-t-il encore dit. Il faut croire qu’en ne terminant pas sa phrase, le haut responsable a voulu laisser le doute planer quant à un éventuel changement au niveau du palais du Dr Saâdane. «Les ministres sont appelés à une réunion mais sans ordre du jour précis, ils ne savent pas ce que leur dira le 1er ministre,» nous avaient fait savoir nos sources mercredi dernier, la veille de la réunion.

Nouredine Bedoui n’a, à ce jour, pu constituer le gouvernement qui lui a été demandé par la présidence de la République. «Les choses sont bien plus compliquées qu’on ne le pense,» disent nos sources du palais du gouvernement. Les quelques contacts que le 1er ministre de la transition a pris ces derniers jours n’ont pas abouti. «Personne ne veut s’impliquer aux côtés des responsables actuels de peur d’être rejeté par la rue, tout le monde pense à se placer dans l’après Bouteflika, personne ne veut gérer juste une transition de surcroît bien courte,» indiquent de hauts fonctionnaires à la présidence de la République.

En attendant l’après Bouteflika

«Il est clair que chacun veut tirer des dividendes de la situation actuelle même au prix d’une mise en déroute totale du pays», pensent-ils. C’est aussi, selon eux, «une manière de pousser le pouvoir dans ses derniers retranchements, il faut croire que la seule revendication de la rue qui est mise au dessus de toutes les autres est celle du départ immédiat et sans condition du président de la République sans pour autant lui trouver une alternative claire».

Un départ de la sorte, estiment-ils, «comporte des risques évidents». Ils expliquent qu’ «il est vrai que les 7 décisions avancées par Bouteflika prendront trop de temps pour qu’elles soient concrétisées, et s’il part le 28 avril prochain, date de la fin de son mandat, il est peu probable que le président qui va être élu le sera démocratiquement puisque les élections se tiendront dans le cadre des mêmes lois, des mêmes règles et mécanismes et des mêmes institutions». La nomination d’une commission collégiale composée de personnalités «consensuelles» ne plaît pas non plus. «Elle est dangereuse parce qu’elle risque de déterrer ce qui est enfoui dans les entrailles de notre société, son tribalisme et son clientélisme qui ne diffèrent pas de ceux employés par les cercles du pouvoir depuis l’indépendance à ce jour», affirment-ils.

Ils avancent, cependant, que «la solution qui serait la moins mauvaise pour le pays, est que Bouteflika reste quelques mois mais avec un agenda bien réduit dans le temps et dans les ambitions, il faut qu’il fixe des dates claires à tout ce qui devra être entrepris pour passer la main». D’ailleurs, pour eux, « d’ici au 28 avril prochain, le président peut prendre des décisions d’amendement des lois en vigueur pour que la conférence nationale qu’il a proposée puisse se tenir dans des conditions démocratiques, ainsi, elle aura toute latitude d’assurer des élections présidentielles dans des délais les plus courts possibles et dans des conditions acceptables pour la grande majorité du peuple ».

A leurs yeux, «la première garantie du début de la fin du pouvoir en place, l’engagement de Bouteflika à ne pas se présenter et son départ dès l’élection d’un nouveau président de la République». Le reste, ajoutent-ils «tombera comme un jeu de cartes, ses collaborateurs les plus proches, ses clans, ses soutiens qui d’ailleurs ont lâché prise avant que le bateau ne coule (…).»

L’Algérie prise en otage

Entre-temps, la rue semble s’amuser à braver la pluie et le beau temps pour s’extérioriser tout en restant ferme, comme noté, sur «un départ immédiat de Bouteflika». L’Algérie se trouve otage d’une véritable cacophonie, d’avis et propositions les uns plus contradictoires et étonnants que les autres, des voix qui appellent d’anciens responsables à la rescousse oubliant que les années du clan Betchine (pour ne citer que lui) ont fait très mal au pays et à ses institutions, ou des hommes de loi qui se sont de tout temps tu devant les multiples contournements de la Constitution, d’autres qui ont siégé au Parlement alors qu’ils l’ont décrié parce qu’élu par la fraude, et autres, de retournements de veste qui froissent la dignité, de réseaux sociaux qui s’enflamment, des fake news angoissants et un pouvoir qui campe sur ses positions. Le tout se déroule sans qu’aucune partie n’ait pu convaincre par ses choix ou ne sache comment les choses vont évoluer les jours à venir. Vendredi dernier, les rues algériennes ont encore vibré sous le poids et les voix des marcheurs.

Blida n’a peut-être pas marché mais les abords de ses rues, notamment celles dans les alentours du stade Mustapha Tchaker, étaient bondés de monde. Connue pour être une ville garnison de part les nombreuses casernes qu’elle abrite, Blida s’est colorée vendredi dernier de bleu et de vert. L’entrée Est de la ville était encerclée par les fourgons de la gendarmerie nationale et tout un arsenal antiémeute. Le centre et les alentours du stade étaient bleus de policiers. Un nombre effarant des brigades d’intervention de la Sûreté nationale s’était positionné, matraques et boucliers en mains, casques sur les têtes, camions antiémeutes tout au long des rues. La foule n’a pas manqué au décor et a occupé les trottoirs sous une pluie battante et un froid glacial soufflant des hauts enneigés de Chréa. Malgré l’appel des réseaux sociaux au boycott du match Algérie-Gambie, de nombreux supporters de l’équipe nationale ont occupé les tribunes du stade mais n’ont pas apprécié le nul (1-1).