Générale de «Saha l’artiste» d’Omar Fetmouche au TNA : La réalité aigre-douce de l’artiste sur les planches

Générale de «Saha l’artiste» d’Omar Fetmouche au TNA : La réalité aigre-douce de l’artiste sur les planches

Fadila Djouder

La nouvelle œuvre théâtrale, écrite et mise en scène par Omar Fetmouche, intitulée «Saha l’artiste», produite par la coopérative théâtrale Sindjab de Bordj Menaïel, a été présentée avant-hier soir devant une salle comble au Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi.

Le metteur en scène a fait une plongée dans la vie d’un artiste en relatant ses rêves et ses souffrances, qui l’ont poussé à quitter son pays pour qu’il puisse réaliser son rêve et devenir contrebassiste. Ce monodrame d’une heure, interprété par le brillant comédien Ahcène Azazni, relate l’histoire d’Hassan, un musicien qui a voulu acheter un fil pour son violon à l’approche d’un mariage qu’il doit animer. Mais, il ne trouvera aucun magasin d’instrument musical, ces derniers ont été tous transformés en fast-food, ce qui génère, en lui, une révolte intérieure. Cet artiste est confronté aussi aux mentalités algériennes qui ne pensent qu’à manger et méprisent le métier d’artiste qui, au regard de certains, sont des voyous et riment avec drogue et alcool.

D’autre part,les spectateurs apprennent que Hassan n’avait qu’un rêve, celui d’apprendre la contrebasse, ce qui le poussera àquitter sa terre natale à la recherche d’un monde meilleur. Mais avant, il a dû vendre les bijoux de sa mère pour s’offrir un visa de 90 millions de dinars. A son arrivée en France, Hassan apprend enfin son instrument favori et devient alors,un des plus grands contrebassistes. Il enchaînera concert après concert. Un jour, des responsables algériens l’approchent pour lui demander d’animer un concert pour l’inauguration d’un opéra. Face aux difficultés qu’il rencontre pour rentrer au pays avec son instrument, il décide d’aller voir un ami algérien coiffeur en France, qui lui procure les papiers de sa défunte épouse française «musulmane», pour qu’il puisse faire rentrer sa contrebasse dans un cercueil.

A son arrivée en Algérie, il passera la douane et donnera son concert. Mais, la police l’attendait dans les coulisses pour le menotter et l’embarquer pour l’interroger sur le cadavre qu’il a volé. Le spectacle a pris fin avec une voix porteuse d’espoirs, chantant un texte qui met en garde contre la confiscation de l’avenir des enfants. Tout au long du spectacle, Ahcène Azazni a déployé son talent d’interprète, en passant avec brio d’un personnage à un autre. Incarnant différentes mentalités algériennes, le comédien a réussi avec une grande habileté à passer du personnage de «moul el khit» jusqu’à «Aammi H’Mida el Djouadj»,en passant par les personnages du vieux tailleur de pierre tombale, du douanier, du policier, du malfrat déguisé en «Capitaine Crochet» et de la tante Zohra.

La pièce était accompagnée par le musicien et chanteur Amar Cherifi tout au long du spectacle, caché derrière une harpe, par des tonalités chaâbi, pour donner de poignantes notes à la pièce. Pour la scénographie, le metteur en scène a misé sur la simplicité, en mettant deux harpes et une grande contrebasse au milieu, véritable outil dramaturgique puissant de symbolisme. A la fin du spectacle, le public était debout pour applaudir cette excellente prestation qui les a ravis. Il est à noter que «Saha l’Artiste» a été programmé pour une représentation unique avant d’entamer une tournée à travers les théâtres régionaux algériens.

Le statut de l’artiste entre drame et espoir

En marge du spectacle, le metteur en scène, Omar Fetmouche, nous dévoilera qu’ «un tel drame de la condition des artistes existe dans notre pays et ils ont de moins en moins d’espaces de création.

C’est une réalité que les anciennes boutiques d’instruments de musique n’existent plus aujourd’hui, car elles sont toutes transformées en fast-food». Interrogé sur son absence sur la scène artistique ces derniers temps, Omar Fetmouche dira : «Nous n’avons jamais quitté la scène. Nous avons juste pris plus de temps pour monter un bon travail.

Les répétitions de cette nouvelle pièce ont pris sept mois pour donner un travail de haute qualité.»Il ajoutera à propos du montage de ce monodrame que «nous avons travaillé sur une vraie performance théâtrale, car il y a la performance du comédien et celle du musicien. C’est une nouvelle forme que nous voulons tester.

Il est temps d’aller vers d’autres horizons, car il y a un penchant extraordinaire pour l’art musical et, aujourd’hui, les arts sont en train de s’entremêler». «L’idée de cette pièce m’est venue, lorsque j’ai assisté à une pièce allemande qui m’a beaucoup inspiré pour la création de cette œuvre.

Là, on pose la problématique de l’artiste, les espaces d’expression, la créativité, car le théâtre, le cinéma ou de l’art de manière générale se réduit de plus en plus», a-t-il affirmé. Il illustre ses propos en donnant l’exemple d’«un artiste qui produit toute sa vie et qui ne donne pas de concert. C’est grave, normalement, un chanteur doit avoir une performance de cents soirées par an. C’est cette situation, cette peur et cette inquiétude des artistes que j’ai essayé de dénoncer».