Festival international du cinéma engagé: De la solidarité à l’art, la résistance!

Festival international du cinéma engagé: De la solidarité à l’art, la résistance!

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La salle Ibn Zeydoun a accueilli, samedi, deux films documentaires en compétition officielle, face auxquels on ne pouvait rester de marbre…

Le premier intitulé tout simplement «Libre» a pour cadre La Roya, dans la vallée du sud de la France frontalière avec l’Italie. Cédric Herrou, qui se dit paysan, y cultive ses oliviers tout en élevant des poules. Célibataire, pourtant il n’est pas si seul que ça. Le jour où il croise la route des réfugiés, il décide, avec d’autres habitants de la vallée, de les accueillir. De leur offrir un refuge et de les aider à déposer leur demande d’asile. De huit ça passe facilement à une centaine de personnes. Sa devise est de venir en aide aux gens qui demandent son aide et ne pas fermer les yeux sur la détresse de ces gens qui veulent passer les frontières et demander l’asile politique, avec femme et enfants. Toutefois, aux yeux de la loi, il est considéré hors la loi… Michel Toesca, ami de longue date de Cédric et habitant aussi de la Roya, l’a suivi durant trois ans. Témoin concerné et sensibilisé, caméra en main, il a participé et filmé au jour le jour cette résistance citoyenne.

Ce film est l’histoire du combat de Cédric et de tant d’autres. Ainsi, nous assistons sidérés, mais impuissants face à ce malheur des gens qui viennent le plus souvent du Darfour, Soudan, la Lybie notamment et se réfugient chez Cédric et la montée en puissance paradoxalement de la détermination de cet homme qui refuse de fléchir et qui n’a cesse de demander des comptes aux autorités concernées et surtout d’appliquer la loi envers ces gens et ces enfants mineurs pour leur venir en aide et ne pas les faire bêtement reconduire aux frontières car lui sait qu’ils reviendront d’une manière ou d’une autre et que tout n’est qu’une histoire de temps. Cédric à qui on reproche de faire rentrer des migrants clandestins en France est aujourd’hui menacé d’emprisonnement. Il est toujours sous contrôle judiciaire, même si pour lui le plus important n’est pas lui, mais ceux qui arrivent et leur avenir est incertain. Dans ce film, c’est un homme fort, aux idées bien arrêtées et d’une résistance inouïe qui est présenté à nous. «L’Autre» est pour lui presque une affaire personnelle car fait-il savoir «ces gens-là sont notre miroir».

Un geste politique

Cédric dénonce aussi selon ses termes «le racisme d’Etat» en affirmant que si ces migrants venaient d’Europe et étaient Blancs, cela changerait complètement les donnes. Pour lui, venir en aide à ces hommes, femmes et enfants, est une affaire de vie et de mort. C’est ce que nous allons voir dans ce documentaire passionnant où chaque victoire se paye chèrement avec sur le chemin moult obstacles et arrestations. «C’est bien qu’il soit projeté en ouverture de ce festival car il donne l’âme de ce festival. Plus engagé que celui-ci tu meurs…» dira en début de séance le président du Fica, Ahmed Bedjaoui. Pour sa part, le documentariste estimera que son film porte avant tout sur «un geste humanitaire envers des gens.

Un geste politique car nous vivons dans un territoire qu’on ne peut ignorer et quand on trouve que le gouvernement français agit de façon complètement inadéquate et absurde avec ce flux migratoire, on a décidé de permettre à ces gens de faire des demandes d’asile et de les aider pour ça. Cela nous a valu d’être arrêté, d’être en garde à vue, d’être jugé et condamné. Le film aborde donc ces trois volets, l’aspect humain, politique et juridique. On est venu à faire quelque chose qui ne s’est jamais passée sous la Ve République à savoir de changer la Constitution française et d’inscrire la fraternité dans la Constitution française sans passer par le Parlement, mais uniquement par le biais de nos voisins. Ce qui est symboliquement une très grande victoire. Le délit de solidarité n’existe quasiment plus.» Le second documentaire qui montre aussi le choix parfois difficile de l’exil quand tout vous accule à partir, est le très touchant True Warriors.

Quelque temps plus tard

Un documentaire allemand signé Ronja Von Wurmb-Seibel et Niklas Sheneck. Un film qui revient sur les lieux d’un crime d’un attentant kamikaze à l’Institut français de Kaboul. Alors qu’une bande d’artistes jouait une pièce de théâtre portant sur les attentats- kamikazes, un adolescent se fait exploser sur cette même scène. Suffocations, pleurs, et colère. Traumatisés, la plupart de ces artistes tombent dans le mutisme et la paranoïa. Deux journalistes allemands ayant vécu à Kaboul vont aller à la rencontre des rescapés de cette tragédie. Chacun va raconter ce qui s’est passé ce jour-là aux moindres détails. Le film est étayé d’images d’archives. Quelque temps plus tard, une des comédienne de cette compagnie de théâtre décide de repartir au charbon en allant jouer cette fois dans la rue et reconstituer avec un courage exemplaire comment une femme accusée d’avoir brûlé le Coran a été lynchée publiquement, brulée vive et son corps jeté dans la rivière.

Hésitants au début, tous ont dit oui pour venir interpréter cette pièce, comme une performance donnée par une seule personne, debout, devant un public fort nombreux au risque de leur vie à nouveau, prouvant par là leur soif de vivre et surtout leur engagement indéfectible aux côtés de l’art, la culture et la poésie contre les semeurs de la mort et de la peur. Un film bouleversant qui a fait pleurer certains dans la salle. Un film qui sondera aussi les raisons qui poussent ces jeunes à mettre fin à leur vie après moult endoctrinements sur le sens du paradis. «Un film qui nous a rappelé bien des choses» a reconnu Ahmed Bedjaoui. «J’ai dû changer de type de vêtement pour me fondre dans cette société. Plus j’avançais, plus je comprenais mieux le contexte sociopolitique de cette région. Ce n’était pas très difficile pour filmer, puisque la majeure partie du tournage du film s’est faite en intérieur.

La difficulté venait des bruits extérieurs tels les sons des hélicoptères et les bruits de rue et des vendeurs ambulants qui, par moment, empiétaient sur le tournage. Nous avons d’ailleurs trouvé un endroit où un groupe de rock répétait et c’est là où nous avons posé notre caméra, car c’était vraiment insonorisé», a reconnu la réalisatrice. «En fait, ce que nous avons tenté de montrer c’est que l’instinct de survie est le même partout, qu’on soit là ou ailleurs. Ce qui se passe en Afghanistan et en Allemagne relève de l’humain avant tout. C’est nous-mêmes qui sommes impliqués là-dedans» ont fait savoir les journalistes.