Dalila Nadjem : « Je voulais faire connaître l’Algérie à travers les livres et notamment son patrimoine »

Dalila Nadjem : « Je voulais faire connaître l’Algérie à travers les livres et notamment son patrimoine »

Depuis 15 ans, Dalila Nadjem, 61 ans, dirige la maison d’édition algérienne Dalimen qu’elle a créé en 2001 dans le contexte tourmenté de la décennie noire. Du patrimoine à l’histoire en passant par le roman, la littérature jeunesse et la bande-dessinée, Dalimen a progressivement étendu son spectre de publications ainsi que ses actions a expliqué sa fondatrice lors du forum du HuffPost Maghreb « Repensez le vivre ensemble » tenu à Paris le 1er juin dernier.

Interrogée par le HuffPost Algérie à l’issue du forum, Dalila Nadjem est revenue plus en détails sur son parcours et les défis que sa maison d’édition doit aujourd’hui affronter dans un environnement économique fragile.

HuffPost Algérie: Quelles sont les différentes activités que vous menez dans le domaine de l’édition ?

Dalida Nadjem : Ma principale activité est celle d’éditrice au sein de la maison Dalimen qui emploie une vingtaine de salariés. Nous publions entre 30 et 40 livres par an sauf cette année où le nombre est plus réduit compte tenu de la situation de crise économique du pays. Je possède une librairie qui s’appelle « Le Point virgule », située à Chéraga dans la banlieue ouest d’Alger, où nous organisons régulièrement des rencontres littéraires, lectures et débats sur divers sujet. Depuis dix ans, je suis aussi commissaire du festival international de la bande-dessinée (Fibda) qui se tient chaque année début octobre et aura lieu en 2017 du 2 au 7 octobre. Enfin, j’organise des formations techniques en matière d’édition, d’écriture ou encore de dessins, avant tout dédiées aux jeunes.

Pourquoi avoir choisi de fonder une maison d’édition algérienne ?

Je suis née et j’ai grandi en France et quand je suis venue en Algérie, je me suis retrouvée confrontée à une effervescence intellectuelle très riche. Je découvre une image bien différente de l’imaginaire collectif et je m’aperçois que je suis ignorante sur beaucoup de sujets. Je me dis qu’il faut dire et raconter cette Algérie au patrimoine et potentiel intellectuel exceptionnels. Quand je décide de m’installer en Algérie en 1997, après une dizaine d’années d’allers-retours réguliers, je créé d’abord une agence de communication car j’ai suivi des études de marketing. Avec ce que je gagnais j’ai fondé la maison d’édition en 2001.

Au départ, je m’intéresse essentiellement au patrimoine très important du pays et à son histoire ancienne. L’un de mes premiers livres publiés porte sur la préhistoire en Algérie. Puis, j’ai ouvert une autre ligne éditoriale pour la jeunesse qui était le meilleur moyen de toucher un public crucial à savoir les enfants. Enfin, quand j’ai été nommée commissaire du Fibda, je me suis aperçue que nous avions des auteurs de bande-dessinée très riches et j’ai ouvert une nouvelle ligne éditoriale qui a notamment publié des dessinateurs aujourd’hui reconnus comme L’Andalou, Le Hic, Bouchra Mokhtari, etc.

Quel regard portez-vous sur le secteur de l’édition en Algérie ?

C’est un marché qui est difficile car il faut tout mettre en place et ce n’est que depuis 2003 que les librairies deviennent plus accessibles. Il y a eu une volonté politique de développer la culture et l’Etat algérien a investi des moyens conséquents à travers des aides, soutiens aux festivals, constructions de bibliothèques dans chaque commune, etc. Il y a eu un gros travail de réalisé. Mais la crise économique a tout bouleversé, le budget de la culture a malheureusement baissé ce qui a fragilisé le marché. Les restrictions ont affaibli la plupart des maisons d’édition qui tiennent difficilement. Il ne va rester que celles qui ont construit quelque chose de solide.

Quels défis sont, selon vous, à relever pour maintenir un marché de l’édition dynamique?

Il y a tout d’abord un important travail à faire pour réglementer le marché : respect des droits d’auteurs, des droits des éditeurs, mise en place d’un bon service de diffusion et distribution. Car actuellement, il n’existe aucun texte juridique ce qui rend le secteur très aléatoire. Le gros point faible est la diffusion : il n’y a pas de centrales d’achats et de centres de diffusion pour l’instant en Algérie. Il faudrait donc revoir les points juridiques et ça il n’y a que l’Etat qui puisse le prendre en place de façon efficace. Il faut aussi renforcer la place de l’édition dans les établissements scolaires grâce à une prise en charge dès la petite école avec l’obligation de lecture. Plus on plonge les élèves dans le domaine culturel, plus on intègre cette dimension dans les programmes scolaires, plus l’édition sera dynamique et la société avec. Car plus il y a de lecteurs, moins le livre sera cher. Et plus l’obscurantisme reculera.