CNAS Chronique d’une mort annoncée

CNAS Chronique d’une mort annoncée

Les conditions fondamentales qui ont permis, jusqu’ici, à la Cnas d’avoir des cotisations sociales, pour faire face à ses multiples dépenses semblent de plus en plus compromises. En effet, la Direction générale a enregistré pour l’année 2017 des dépenses importantes. Cette institution, dont les scénarios catastrophes sont en train de se dessiner, et qui sans le moindre doute, prend de l’eau et va échouer comme une épave. Plus grave, elle entraînera dans sa dérive au moins 37 millions de bénéficiaires, dont 12 millions d’affiliés disposant d’une carte d’assurance et 6 millions d’actifs cotisants.

Deux cent milliards de dinars de dépenses sur les médicaments et presque dix-sept milliards de dinars en arrêt de travail, s’ajoute à cela le grave déficit de la CNR qui est de deux cent dix-sept milliards de dinars. Les chiffres valent réquisitoire et donnent le vertige.

Cette crise tentaculaire est essentiellement due aux circonstances économiques, si sombres depuis 2005 à ce jour. Les directions d’agences aussi connaissent des insuffisances en management. Absence de principes directeurs réalistes, pour recouvrer les cotisations des employeurs réfractaires, et la lutte contre la fraude à l’assurance maladie. Cette conjugaison de maux accentue inévitablement la crise.

La Cnas, au fil du temps, est devenue budgétivore, car minée par les charges trop lourdes dues à un personnel pléthorique, alors que les cotisations diminuent chaque année comme une peau de chagrin, ce qui engendre un déséquilibre croissant dans la trésorerie de la Cnas notamment entre les recettes et toutes les dépenses confondues, prestations, forfait hospitalier, quote-part qui revient à la CNR, et ne pas oublier surtout la masse salariale des personnels Cnas et les charges y afférentes de gestion.

Quant à la colère du ministre du Travail et de la Sécurité sociale à l’égard des médecins qui ont prescrit 14 390 000 arrêts maladie, il faudrait savoir que l’assuré social ne décide de rien et n’est informé de presque rien. Il est simplement appelé à payer en tant que cotisant et/ou patient avec la contrepartie de n’avoir, lui non plus, aucun compte à rendre de sa consommation médicale et des gaspillages qu’entraînent les décisions des médecins.

Chaque assuré social a conscience de payer trop de cotisation et se rend compte que sa consommation est souvent excessive ou inadaptée. Cette prise de conscience des assurés sociaux citoyens les conduit à souhaiter en majorité des réformes où il y aura la participation des assurés sociaux, avec un droit de regard sur la gestion des Cnas au niveau des wilayas, ainsi qu’au niveau du système de soins de santé (hôpitaux).

Quant à la lutte contre les arrêts de travail de complaisance préconisée par le ministre, faut-il créer, à ce titre, un barème en matière d’arrêt pour mettre fin aux abus ? ça sera une atteinte à la liberté d’exercice de la profession de médecin.

Il est clair que cette liberté s’accompagne d’abus, qu’il faut savoir repérer et sanctionner, mais si la liberté du médecin doit se restreindre uniquement à celle que lui accorde la Cnas, il faut aussi accepter, à l’avenir, qu’il ne puisse plus proposer aux malades que des schémas thérapeutiques préalables, vu que le rapport coût/efficacité prévaudra au détriment, bien sûr, de l’indispensable adaptation personnalisée d’un traitement.

Il va sans dire que la régulation du système de santé passe par une médecine de qualité. C’est en faisant de la bonne médecine que la Cnas sera sauvée du naufrage.

C’est au pouvoir politique qui, à des degrés divers, devra organiser la participation des assurés sociaux à avoir un droit de regard sur la gestion et les comptes de la Cnas. Du point de vue technique, elle constitue un ensemble de règle d’ordre public, fixant des droits et des obligations légales.

Chaque individu dispose des mêmes droits en vertu du principe d’égalité. Il s’agit d’un système qui repose sur la solidarité entre travailleurs. Ces derniers sont protégés contre les aléas de la vie, du berceau à la tombe. Du point de vue organisationnel, la Cnas devra impérativement revoir son système assurance.

La crise actuelle de la Cnas est due à l’inadaptation à la mondialisation économique, et la rupture majeure dans la nature de la solidarité, notamment «la forme assurancielle» de cette solidarité (cotisation/prestation) qui était capable de gérer des risques conjoncturels. Elle ne fonctionne plus, ou très mal, devant les états évolutifs comme le chômage de masse, la fraude des employeurs, la surconsommation des médicaments, les accidents du travail, les arrêts de travail, etc.

La solidarité se transforme d’année en année et ne peut plus être dictée par la notion de risque social. En tout état de cause, si l’Etat accorde une subvention conséquente à la protection sociale (Cnas/CNR) pour faire face aux dépenses de prestations et de retraites, elle devient donc le fait du contribuable et non celui du conseil d’administration (UGTA).

Après avoir brossé un tableau qui peut sembler bien sombre, la tentation paraît grande de lâcher prise et d’admettre qu’avec la mondialisation, la privatisation soit l’horizon naturel. Mais c’est déjà là une tout aute problématique de la Sécurité sociale.

Layachi Salah-Eddine