Clôture du festival international du cinéma engagé: Hommage à Mahamet Salah Haroun

Clôture du festival international du cinéma engagé: Hommage à Mahamet Salah Haroun

Par 

Le Grand Prix du Jury documentaire a récompensé I’m not your negro de Raoul Peck tandis que celui de la fiction, a été décerné à «l’unanimité» à L’autre côté de l’espoir de Aki Kaurismaki…

Le rideau est tombé samedi soir sur la 9e édition du Festival international du cinéma d’Alger dédié au film engagé avec la remise des prix aux films lauréats. Aussi, le jury documentaire présidé par Ousmane William Mbaye a décerné une mention au film True Warriors de Ronja Von Wurmb-Seibel et Niklas Schenck. Le Prix spécial du jury est revenu quant à lui au film Free Men de Anne-Frédérique Widmann tandis que le Grand Prix du jury a récompensé I’m not your negro de Raoul Peck. Le Prix du public pour le meilleur documentaire a été décerné ex aequo à Libre de Michel Toesca ainsi que Les enfants du hasard de Thierry Michel et Pascal Colson. Côté long métrage, le jury présidé par Nabil Boudraâ a remis le Prix spécial du jury au film Mélancolie ouvrière de Gérard Mordillat, tandis que le Grand Prix est revenu à «l’unanimité» à L’autre côté de l’espoir de Aki Kaurismaki.

Un film finlandais qui met en scène un réfugié syrien qui se retrouve perdu lui et sa soeur en Finlande. Demandant l’asile, l’homme qui ne l’obtient pas, décide de rester et continuer sa vie avec de faux papiers tandis que sa soeur, qui décide de faire sa demande d’asile politique, également, préfère garder son nom. Ce film met en scène aussi la solidarité qui prévaut encore chez les gens. Au-delà du sujet des plus brûlants, il est à souligner la qualité de l’image et la propreté des images et du cadrage qui filme le décor, comme dans un paysage naturel, très minimaliste, décliné dans une mise en scène assez sobre finalement et théatralisée qui rajoutait d’autant plus de fantaisie à ce film où la musique avait aussi une part belle dans la morale de cette histoire. Notons que le Prix du public catégorie fiction a été décerné ex aequo à Wajib de Anne-Marie Jacir et La voix des anges de Kamel Iaïche.

Aussi, la prestigieuse médaille Ghandi (nouveau prix introduit au Fica, Ndlr) du Conseil international du cinéma et de la télévision et de la communication audiovisuelle a été remis à Enfants du hasard de Thierry Michel. «Ce prix correspond parfaitement à l’esprit de l’Unesco. Ce film décrit parfaitement la transcription de ce que l’Unesco considère comme fondamental, c’est-à-dire l’éducation car tout vient de ignorance; de l’ignorance on passe à la méfiance, de la méfiance à l’hostilité et de l’hostilité à la haine et de la haine à la guerre et nous voulons lutter contre toute forme de guerre. La clôture de cette soirée a été marquée par la projection du dernier long métrage fiction de Mahamat Saleh Haroun à qui on a rendu hommage pour l’ensemble de sa carrière.

En effet, né en 1961 à Abéché, Mahamet Salah Haroun est le premier réalisateur tchadien et, aujourd’hui, l’un des plus grands cinéastes africains. Après des études de cinéma et de journalisme en France, il travaille dans la presse de ce pays où il vit et travaille depuis 1982. A partir de 1991, ses courts métrages dévoilent un talent confirmé par le long métrage Bye Bye Africa (1999), Prix du meilleur premier film à la Mostra de Venise. Le court métrage Letter from New York (2001) est primé au Festival du cinéma africain de Milan, et le long métrage Abouna (2002) obtient le Prix de la meilleure image au Fespaco. Avec Daratt (2006), il remporte l’Etalon de bronze de Yennenga et le Prix de la meilleure image. Sa notoriété s’accroît avec Un homme qui crie (2010), Prix du jury au festival de Cannes et prix Robert-Bresson à Venise, une oeuvre forte, inspirée de son vécu.

En 2013, Grigris est en sélection officielle à Cannes. Il a réalisé ensuite Une saison en France (2017). Il a été récemment ministre de la Culture du Tchad, mission à laquelle il a préféré sa passion de réalisateur…Une saison en France raconte l’histoire de Abbas, alias Eriq Ebouaney, professeur de français qui a fui la guerre en Centrafrique pour bâtir une nouvelle vie en France. Il reste hanté par la mort de sa femme. En attendant d’obtenir le statut de réfugié, le quotidien de Abbas s’organise entre ses enfants qui sont scolarisés et son travail sur un marché où il rencontre Carole, merveilleusement interprétée par Sandrine Bonnaire. Hélas, le droit à l’asile politique lui est refusé. Commencent les ennuis pour cette famille et ce couple…prenant la parole avant la projection de son film, le cinéaste a regretté ne pas avoir eu assez de temps pour visiter la cinémathèque qui «pour l’histoire de notre cinématographie en Afrique est très important», a-t-il souligné.

Outre un prix honorifique, un imzad a été offert à Mahamet Saleh Haroun, instrument de musique et des femmes, ancestral du désert, lequel, aujourd’hui, est inscrit comme patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco. «J’ai voulu raconter l’histoire des migrants de l’intérieur, leur donner un visage, m’attacher à leur inimitié contrairement à beaucoup de films qui ne parlent que de leur traversée et aventures» et d’ajouter «j’ai voulu m’éloigner de ce cliché du migrant misérable, analphabète et sale et déconstruire cette réalité, mais plutôt montrer un migrant éduqué et lettré à qui on peut refuser le droit à l’asile politique car cela m’est arrivé aussi il y a quelques années», a confié Mahamet Haroun, lors du point de presse animé à la salle Frantz Fanon.

Aussi et si pour lui, l’acteur Eric est un excellent comédien, ayant déjà joué avec Bray De Palma, notamment Sandrine Bonnaire, fera-t-il remarquer, représente «l’image de la France», telle qu’il se l’imagine. «Une France souriante et généreuse, et solidaire.» Aussi, dévoilant le projet de son prochain film qu’il tournera dans un an au Tchad, Mahamet Salah Haroun dira que ça portera sur l’histoire d’une femme ayant un enfant hors mariage et son rapport difficile avec elle. Un film inspiré de sa société a-t-il fait savoir, où souvent les femmes qui ont des enfants hors mariage sont chassées de la maison par leurs familles.

Enfin, à propos du Fespaco qui fête ses 50 ans en 2019, il dira que le chiffre 50 sera peut-être une occasion d’une renaissance du Fespaco qui devrait selon lui «repartir du bon pied et s’accompagner d’une métamorphose et tenir compte un peu de tous les défis qui attendent le cinéma en Afrique», tout en espérant que «ce festival puisse continuer à être un lieu de rendez-vous pour toutes les cinématographies venant d’Afrique et pour toutes les diversités issues de ce continent».