Centenaire de la naissance de Mouloud Mammeri : L’oeuvre de l’écrivain disséquée à Bouira

Centenaire de la naissance de Mouloud Mammeri : L’oeuvre de l’écrivain disséquée à Bouira

Kaddour M’Hamsadji: «Tous les Algériens se reconnaissent dans ‘’La Colline oubliée”. Mon ami, mon aîné, Mouloud Mammeri que j’ai connu d’abord par ses écrits, au collège, au lycée et à l’Ecole normale était un exemple pour nous jeunes à l’époque…»

La Maison de la culture Ali Zaâmoum a abrité hier une journée de réflexion et célébration du centenaire de la naissance de Mouloud Mammeri. Organisé par la direction de la Maison de la culture en étroite collaboration avec le HCA, le regroupement s’est voulu un hommage à l’homme de culture, mais aussi au militant de la cause amazigh, Kaddour M’Hamsadji, l’écrivain de langue française et arabe, auteur de romans, d’essais, de nouvelles, de poésie, et chroniqueur littéraire qui était l’invité hier du HCA.

L’occasion a été propice pour revenir sur l’itinéraire de cet homme de culture qui reste l’un des précurseurs dans la lutte identitaire qui aura abouti à la reconnaissance de tamazight comme langue nationale. Des chercheurs se sont succédé à la tribune pour rappeler le rôle de Mouloud Nath Maamar dans la revendication légitime d’une nation dans la recherche de ses origines. En plus de son apport dans cette lutte pour l’identité, Mouloud Mammeri a participé grandement à l’essor de la culture et de la littérature algériennes d’expression française.

Mouloud Mammeri dans son combat reste une réponse aux courants séparatistes qui à un moment auront voulu assimiler leurs objectifs à celui qui a toujours prôné une Algérie unie et indivisible dans sa diversité linguistique, culturelle. Issu d’une famille révolutionnaire, Dda L’Mouloud n’a en fait que perpétué le combat de ses prédécesseurs, de ses ancêtres. Il a milité pour une Algérie authentique, refusant ces courants politiques venus d’ailleurs. «Comme il a rejeté la présence française, il a affiché un niet catégorique aux divers courants idéologiques qui ont essayé de déraciner le peuple algérien» commente un participant. Pour l’écrivain, essayiste et critique littéraire, Kaddour M’Hamsadji, l’enfant de Sour El Ghozlane et ami de feu Mammeri, l’occasion est propice pour lui rendre les honneurs qu’il mérite. Il dira: «Tous les Algériens se reconnaissent dans La Colline oubliée. Mon ami, mon aîné, Mouloud Mammeri que j’ai connu d’abord par ses écrits, au collège, au lycée et à l’Ecole normale était un exemple pour nous jeunes à l’époque. La Colline oubliée parlait de l’Algérie entière, et tous les Algériens se reconnaissaient en lui. Je l’ai connu en 1962 pendant l’indépendance, c’est lui qui m’a appris comment doit être un écrivain en Algérie. Il était un homme d’une amabilité et d’une sensibilité extraordinaires. J’ai 84 ans, et je peux vous dire que je n’ai jamais rencontré un être aussi fort que Mouloud Mammeri, parce que j’ai beaucoup appris de lui. Il faut défendre notre langue multiple, et si belle. J’espère que cet hommage va dépasser toutes les différences.» Dans cette escale en hommage à Mammeri, Hachemi Assad du HCA a animé une conférence où il est revenu sur les étapes et les acquis de la lutte pour tamazight. «Je suis très content d’être à Bouira pour commémorer le centenaire de la naissance de notre regretté anthropologue, écrivain, chercheur, et essayiste Mouloud Mammeri.

Le programme retenu a débuté en 2014 et s’achèvera en 2017, par un ultime hommage qui sera rendu à notre grand écrivain, à l’opéra d’Alger. Juste après, notre dernière halte sera la wilaya de Timimoune, où nous allons faire le point et évaluer toutes ces quatre années de longs labeurs à l’occasion», dira-t-il, en ajoutant: «Nous célébrons également la première année de l’officialisation de la langue amazighe depuis sa constitutionnalisation qui je dirais a multiplié par 100 la vigueur de tamazight». Par rapport à la polémique suscitée par les dires de quelques individus de la chambre basse et relayés par les réseaux sociaux quant à un recul dans l’enseignement de tamazight, le conférencier riposte: «Une propagande est colportée ces jours-ci par l’intermédiaire des réseaux sociaux et sciemment diffusée dans le but de saper tous les acquis indéniables arrachés par de longues luttes. Certes il y a des lacunes et des dysfonctionnements qu’il faudra corriger par l’intermédiaire des commissions mixtes que nous avons élaborées, à l’aide de conventions dûment signées avec le ministère de l’Education, de la Poste et des Télécommunications, du Tourisme, et bien d’autres partenaires. Maintenant, je dirais qu’il est impératif de réaliser la socialisation de tamazight dans tous ses aspects, notamment juridiques, car notre langue nationale est enseignée dans 36 wilayas.» Le responsable du HCA précisera que l’enseignement de tamazight nécessite la formation des ressources humaines.

Il privilégie ainsi l’Ecole normale supérieure qui prendra le relais des quatre départements de langue existants. Le recours à cette institution de formation mettra un terme à l’après-formation et aux problèmes des postes budgétaires qui entravent le recrutement des enseignants de cette langue. Son enseignement dans 36 wilayas est une réalité. Le HCA et le ministère de l’Education nationale, à travers une commission se penchent sur les dysfonctionnements enregistrés, notamment le caractère optionnel de son enseignement.

Dans le même ordre d’idées et selon Hachemi Assad, la loi 2008 doit se conformer à la nouvelle Constitution. En marge de l’école, le HCA développe des segments de connaissance de l’histoire à travers les séminaires. Bouira abritera dans cette perspective une rencontre scientifique autour de Takfarinas dès l’année 2018. L’hôte de Bouira sériera les nombreuses avancées enregistrées depuis l’officialisation de la langue comme seconde langue nationale. Les accords entre le ministère des TIC, quant à la présence de tamazight sur la philatélie, le dictionnaire numérique, le glossaire en tamazight…sont autant d’éléments qui laissent penser que la langue reprend sa place dans la société.

Pour Bouira, et selon l’orateur, elle reste un modèle de coexistence entre les deux langues. Hachemi Assad a aussi annoncé la relance prochaine du Salon du livre et multimédia amazighs qui a été suspendu après neuf éditions. Il a aussi parlé de la restauration du tombeau de Takfarinas situé à Ouled Slama au sud de la wilaya de Bouira.

Abdenour MERZOUK