BeIN et la justice divine

BeIN et la justice divine

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Après avoir décrété une guerre sans merci contre les produits provenant des pays du Conseil de coopération du Golfe qui l’ont cloué au pilori en 2017, voici que le Qatar lance une autre offensive, dans le domaine particulièrement «sensible» du…football! Le groupe beIN Media a, en effet, annoncé lundi qu’il demande à la FIFA, à quelques encablures du Mondial-2018, «de prendre des mesures juridiques fortes pour mettre fin au ‘piratage » d’Arabsat, opérateur saoudien et supposé rival de la puissante firme qatarie. Compte tenu des tensions exacerbées qui minent les relations entre l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahrein et l’Egypte, d’un côté, et le Qatar, de l’autre, ainsi que du fait de la rupture des relations diplomatiques entre eux depuis bientôt un an, beIN, une chaîne basée à Doha, et qui détient les droits particulièrement onéreux de retransmission de nombreux évènements sportifs, dont la prochaine Coupe du monde en Russie (14 juin-15 juillet), n’a pas trouvé mieux que de mettre à l’index les dirigeants saoudiens. «Nous avons demandé à la FIFA (Fédération internationale de football) d’entreprendre une action légale directe contre Arabsat et les indications dont nous disposons montrent qu’elle (la FIFA) soutient cela», a déclaré Sophie Jordan, directrice juridique de beIN Media. «Nous avons demandé à la Fifa d’exercer une pression directe sur les pirates», via la justice, des discussions sont en cours et la FIFA est «très favorable à ce que nous faisons», a-t-elle encore insisté, ajoutant que cette atteinte menace l’ensemble des détenteurs de droits.

Dans son communiqué, la FIFA a affirmé «prendre les violations de sa propriété intellectuelle très au sérieux» et «combattre» ces infractions, y compris «le streaming illégal et les retransmissions sans autorisation». L’instance suprême du football mondial «travaille avec différents partenaires pour minimiser» leur impact aussi bien au Moyen-Orient et en Afrique du Nord que partout ailleurs, dans le monde…

On croît rêver. Avant la brouille ou plutôt la rupture fracassante de 2017, beIN qui détient des droits de retransmission exclusifs à travers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord des grands évènements sportifs ne voyait aucun inconvénient à ce que «le grand frère saoudien» bénéficie indûment de ses retransmissions. Mais voilà, les temps changent et les rapports entre frères ennemis aussi! En Arabie saoudite, clame le groupe qatari, des policiers font la chasse aux décodeurs beIN dans les hôtels et les restaurants, notamment. De surcroît, un réseau pirate, agissant sous l’appellation de «beoutQ» – une manière de détourner le sigle en ridiculisant la marque – se sert du satellite Arabsat pour retransmettre illégalement les programmes du groupe qatari. A en croire celui-ci, il s’agit d’ «un précédent dangereux».

Bon prince, le groupe qatari a tout de même tenu à préciser que le phénomène n’a commencé qu’en…octobre 2017, mais avec une ampleur inquiétante, depuis, tant au Moyen-Orient qu’en Afrique du Nord, affectant considérablement ses ressources propres et celles des détenteurs de droits. Les retransmissions de «beoutQ» seraient en train de faire tache d’huile jusqu’en Asie et elles ne se limitent plus, assure le groupe, aux seules compétitions sportives puisqu’elles concernent aussi les films et les séries TV. Autant dire, en termes crus, qu’il s’agit d’une opération de piratage «lourdement financée» et un autre responsable de beIN, Tom Keaveny, ne se gêne nullement pour le dire. Là où le bât blesse, conclut le groupe, c’est qu’aucune action en justice ne peut être estée en Arabie saoudite. Il n’y a plus, dès lors, qu’à s’en remettre à la justice divine!