Beauté et apparat de la mariée du M’zab (I)

Beauté et apparat de la mariée du M’zab (I)

C’est au cœur du Sahara caillouteux et désertique, au sud de l’Atlas saharien, que s’étend le M’zab, tenant son nom du Oued qui le traverse. Le paysage de la Vallée du M’zab, créé au Xe siècle, par les ibadites autour de leurs cinq ksour, ou villages fortifiés, semble être resté intact. La population qui y vit est arabe, persane, mais surtout berbère zénète, attachée aux plus anciennes traditions du rite ibadite auquel elle appartient.

Au M’zab, le mariage reste l’un des principaux domaines de dialogue, à travers lequel la communauté exprime son espérance de reproduction et tisse de nouveaux liens de solidarité interne. Par-delà son rituel, fortement marqué par la tradition, le mariage au M’zab connaît une nette évolution. Ainsi, il n’est plus exclusivement pris en charge par les parents, comme il était d’usage autrefois. Le nouveau marié est, en effet, en moyenne plus âgé qu’avant et intervient davantage dans la décision et la prise en charge de l’union. La moyenne d’âge est également plus élevée chez la jeune mariée du M’zab. Depuis la loi de juin 1963, fixant à 16 ans l’âge minimum légal du mariage des jeunes filles en Algérie, la pratique ancienne du mariage précoce des filles a fortement diminué. La disposition de cette loi est, dans l’ensemble, respectée.

Néanmoins, cette union est devenue l’occasion d’une surenchère entre les familles qui mesurent leur prestige à travers les dépenses ostentatoires réalisées pour cette circonstance et à la valeur des cadeaux échangés. Le trousseau de la mariée, aujourd’hui, comportant des bijoux de valeur et des toilettes constituées de produits d’importation achetés à prix d’or au marché parallèle, est devenu très onéreux et hors de portée des bourses modestes. Le mariage a, de ce fait, tendance à présenter, de plus en plus nettement, un caractère de classification sociale, ce qui constitue un risque de dislocation pour une communauté dont l’un des principaux facteurs de cohésion est l’atténuation des disparités sociales par l’austérité et l’entraide.

Le trousseau d’antan de la mariée du M’Zab

Le trousseau de la mariée, selon le témoignage d’une anonyme* qui a été rédigé à Ghardaïa, en 1947, énumère les composants suivants :

Pour les besoins d’une famille modeste, les proches (voisins, famille…) fournissent le minimum. C’est-à-dire une grande et une petite pièces d’étoffe ainsi que deux pots en terre cuite, un petit et un grand.

Dans une famille aisée, la mariée tient son trousseau de ses parents qui lui procurent un capital pour l’avenir, et qui se compose de ce qui suit :

Une grande couverture, tissée à la maison, avec une autre moins grande, une pièce de tissage ras pour le lit, une pièce de tissage pour vêtement, une autre pour une tenture de porte, un tissu de tenture, un bâti de lit en bois, deux grandes nattes, un tissu servant de ciel de lit et des coussins. Un coffre pour mettre les habits, un cabas orné de broderies au fil de trame, un petit panier de ménage brodé de la même matière, une calebasse1 ornée de franges de cuir souple, une gargoulette verte et un alcarazas2 à anses vertes. La future mariée emportera également cinq boîtes : une pleine d’aswuwwu, servant d’encens parfumé, une des senteurs à vaporiser dans la chambre, un contenant en coupon d’étoffe, une pleine de henné et une d’une sorte de pommade dite axammer, une autre pommade parfumée qu’on utilise le troisième jour du mariage sur la tête. Pour la vaisselle, ce sera un grand plat à couscous, un plat sur pieds et une louche. Aussi la future mariée met-elle dans son trousseau quatre fuseaux, une quenouille, un fuseau pour gros fil et un godet à fuseau. Ajoutant le plateau fabriqué avec les fibres de pédoncules de régimes de dattes, dont la partie supérieure est faite avec des folioles de cœur de palmier, une pièce d’étoffe grande et une petite servant à faire les ballots, puis un grand et un petit pots en terre cuite. Elle y ajoutera une grande pièce servant de voile féminin, un châle en soie.

Il va sans dire que le rituel qui entoure la cérémonie du mariage (portée à deux jours au lieu de 7) au M’zab demeure toujours très codifié. De fait, trois jours avant son mariage, la future mariée se pare pour aller rendre visite à sa famille et ses amis en toute liberté. Une manière d’enterrer la vie de jeune fille avant d’être placée dans le gynécée pour vingt ou trente ans.

Après le mariage, quelques sorties accompagnées lui seront permises pour visiter sa famille ou se rendre à la maison d’été. Ses sorties se feront bien rares et il lui faudra attendre l’âge de la ménopause pour être plus «indépendante».

Au Maghreb, la liberté de déplacement des femmes berbères au sein des territoires occupés par les groupes où elles vivent paraît être en relation avec leurs différents genres de vie plus ou moins sédentaires, jusqu’à l’exception révélatrice des citadines confinées dans l’oasis du M’zab… A SUIVRE.

Mounira Amine-Seka

* Calebasse : petite courge sèche, de la taille d’une main de laquelle on ôte le bout supérieur en y laissant attaché le pédoncule qui servira de couvercle.

Sources :

Pichault, Le Costume traditionnel algérien. Ed. Maisonneuve & Larose, 2007. (206 pp.). Maisonneuve & Larose : 15, rue Victor Cousin, 75005, Paris, France.

Rabah Abtout, Artisanat traditionnel d’Algérie. La génie d’un peuple. Editions Shfar. (115 pp.). Shfar : 12, rue Henri Dunant, Alger-Centre. Impression Anep, 2009.

* Témoignage : Etude ethno-linguistique Maghreb-Sahara de J. Delheure. Faits et dires du M’zab (332 pp.). Ed. Selaf 1986.