Algérie : Le marché de l’internet menacé ?

Algérie : Le marché de l’internet menacé ?

internet-en-algerie.jpgSe peut-il qu’un ministre de la République siège aux lieu et place des dirigeants d’une entité commerciale, fût-elle publique ? Si la baisse de moitié des prix de connexion à Internet a eu un effet positif certain sur les usagers, elle ne risque pas moins de mettre Algérie Télécom dans une situation délicate à terme.

Cette décision «hasardeuse», selon les experts, est loin d’être judicieuse, même si elle a, effectivement, permis à des milliers de citoyens de se connecter à la toile à moindre coût.

«Nous aurions aimé que de tels prix eussent pu être applicables pour le grand bien des citoyens, mais la réalité économique est implacable», regrette un fournisseur d’accès à Internet. «A court terme, la mesure peut être perçue comme étant positive. Mais, malheureusement, l’illusion est trompeuse.

Car, en réalité, c’est tout le marché des télécommunications qui est en train d’être déstabilisé. S’agit-il d’une décision politique ? La réponse de cet opérateur est à méditer : «En apparence, oui, puisque c’est le ministre lui-même qui l’a annoncé devant un parterre d’étudiants à l’Université de Bab Ezzouar, à l’occasion de la Journée de l’internet.

Mais, dans le fond, elle est d’ordre strictement économique, dans la mesure où elle se traduit sur le terrain par des offres commerciales aussi illégales que périlleuses pour le très sensible secteur des télécoms en Algérie.»

Un simple calcul démontre que le prix de revient d’une bande passante ADSL de 128 kbits, par exemple, s’élève à 1522 DA, alors qu’elle est cédée par Djawab à 551 DA.

Ce prix de revient réel comprend le coût du port physique, l’abonnement à la ligne téléphonique, la colocalisation, l’installation du moyen de transport, le transport, l’installation de la bande passante Internet et la bande passante elle-même. Et ce, abstraction faite des charges d’exploitation.

Nous sommes face à deux scenarii possibles, explique un expert : «Soit le statu quo demeure, soit les autres opérateurs s’alignent sur Djawab.» «Dans les deux cas, préconise-t-il, la faillite est certaine.» En effet, si la situation demeure en l’état, le dumping opéré par Algérie Télécom conduira à sa propre fin et entraînera dans son sillage tous les opérateurs, faisant faire au pays un grand pas en arrière dans le domaine des Ntic.

D’autre part, si d’aventure les fournisseurs d’accès à Internet s’alignaient sur l’opérateur historique, ils disparaîtraient sous le poids des dettes qu’ils cumuleraient auprès de lui, si ce dernier maintenait les charges de transport, de colocalisation et des liaisons internationales louées.

A quoi sert l’ARPT ?

Par-delà ces incohérences, c’est surtout le manque de réactivité de l’Autorité de régulation de la poste et des télécommunications qui inquiète. Une obsolescence qui retarde le règlement de plusieurs problèmes en suspens, dont celui, non moins sensible, de la VoIP, c’est-à-dire la téléphonie par Internet.

Les différentes sollicitations pour l’intervention de ce «gendarme des télécoms» pour le réexamen du tarif de terminaison d’appel sont restées vaines. Tout comme celles appelant cette même autorité à intervenir dans le sens du rétablissement d’une concurrence loyale en matière de fourniture d’accès à Internet.

Visiblement gênée que la décision de la baisse des tarifs de connexion eût été annoncée par un membre du gouvernement, l’ARPT, dont les membres du conseil d’administration semblent peu regardants quant à l’article 18 de la loi 2000/03, hésite à statuer sur un problème d’ordre purement commercial.

D’où cette question d’un fournisseur d’accès à Internet : «A quoi sert une agence de régulation si ses décisions sont court-circuitées de toutes parts ?»

Les opérateurs multimédias algériens ont déployé des investissements colossaux pour contribuer à faire bénéficier l’Algérie des évolutions techniques pour que l’accès à l’information et à la communication dans notre pays soit une réalité tangible.

Cet effort, supporté par un discours politique volontaire, n’est pas moins annihilé par un marché dérégulé que l’ARPT peine à maîtriser.