Quels enseignements pour l’Algérie de la semi faillite financière et immobilière de Dubaï ?

Quels enseignements pour l’Algérie de la semi faillite financière et immobilière de Dubaï ?

du.jpgQuels enseignements tirer de la crise des prêts hypothécaires dans le monde d’une manière générale et d’une manière particulière la semi faillite financière et immobilière de Dubaï pour l’Algérie dont la future politique socio-économique doit en tirer les conséquences car il s’agit de réorienter en urgence l’actuelle politique fondée essentiellement sur les infrastructures qui ne sont qu’un moyen du développement souvent clefs en main sans transfert du savoir faire sous le prétexte fallacieux du respect des délais. Tel est l’objet de cette modeste contribution.

1.- Avec 3885 km2 , Dubai est ouvert sur le golfe Persique et situé entre les émirats de Shariah au Nord et à l’Est et d’Abou Dabi au Sud, la majeure partie du territoire étant occupée par le désert du Rub al- Khali. La population qui était de 265 702 habitants en 1980, est passée à 669. 181 en 1995, un million en 2004, 1. 182. 439 en 2006 et selon les statistiques officielles , il était prévu qu’elle atteigne 1,4 million en 2011, je dis bien prévu, car plus de 75% en 2009 de la population sont des travailleurs émigrés et qu’en sera-t-il avec cette crise récente . En effet, face à l’euphorie du passé, on ne souligne pas assez que Dubaï ne repose sur la promotion immobilière initiée trois ou quatre promoteurs locaux utilisant l’expertise internationale, n’ayant pas d’hydrocarbures contrairement à ses voisins et que la majorité de la population sont des étrangers notamment asiatiques, principalement des Indiens, des Pakistanais, des Bangladeshi et, depuis peu, des Chinois qui sont venus travailler sur les nombreux chantiers de construction de la ville.

2.- La semi faillite de Dubaï n’est que la conséquence des ondes de choc de la crise hypothécaire déclenchée au début août 2007 aux USA qui s’est propagé à l’ensemble de la planète qu’il est utile de rappeler que je résume en cinq étapes : -a- les banques ont fait des prêts immobiliers à des ménages insolvables ou présentant peu de garanties, à des taux d’intérêts élevés ; -b- diffusion des mauvaises créances dans le marché : pour évacuer les risques, les banques «titrisent» leurs créances, c’est-à-dire qu’elles découpent leur dette en produits financiers pour la revendre sur le marché. La mondialisation a fait le reste, en diffusant ces titres à risque dans les portefeuilles d’investisseurs de toute la planète. Les fonds spéculatifs (hedge funds) ont été de gros acheteurs de subprimes, souvent à crédit pour doper leurs rendements (jusqu’à 30 % par an), et faire jouer l’effet de levier, les hedge funds empruntant jusqu’à 90 % des sommes nécessaires ; c- retournement du marché immobilier américain : vers fin 2005, les taux d’intérêts américains ont commencé à remonter alors que le marché financier s’essoufflait.

Des milliers de ménages ont été incapables d’honorer leurs remboursements entraînant des pertes pour les banques et les investisseurs qui ont achetés les titres obligataires ont vu leur valeur s’effondrer ; -d- crise de confiance : les banques se sont retrouvées dans une situation ou comme dans un jeu de poker , elles savent ce qu’elles ont dans leur bilan , mais pas ce qui se trouve dans celui des autres car ces mauvais crédits immobiliers ont été achetés un peu partout dans le monde et on ne sait quelle est la répartition du risque d’où une grave crise de confiance et depuis juillet 2007, cette situation f ait chuter les bourses et paralyse le marché inter- bancaire , les banques ne se prêtant plus ou très peu craignant que leurs homologues soient dans une ligne rouge ; -e- intervention des banques centrales : face à la paralysie du marché, les banque centrales sont intervenus massivement début août 2007 en injectant plusieurs centaines de milliards de dollars et d’euros de liquidités.

3.- La récente crise immobilière de Dubaï est venue nous rappeler que si la récession semble être ralentie, avec toujours la dominance non des valeurs technologiques mais des valeurs financières grâce au sauvetage des Etats, donc en apparence peut être, la crise économique est toujours là avec le risque de bulles budgétaires du fait de l’ampleur des endettements des Etats qu’il conviendra ben de rembourser un jour. C’est que les réunions du G20 Londres et de Pittsburgh ne se sont pas attaqué à l’essence de la à savoir a dominance de la sphère financière sur la sphère réelle et la distorsion entre les salaires en baisse et les profits spéculatifs en hausse comme le montre à nouveau la bonne santé des banques avec à nouveau les bonus en hausse, et surtout l’importance du chômage 2009 et prévision en hausse 2010.

Comme conséquence de la crise d’endettement de Dubaï qui ne pas donc sans rappeler la crise hypothécaire , ces opérations, étant financés par des taux d’intérêt très faibles, puis tombent généralement dans la catégorie des « malinvestments » avec les primes risques décrits par les grands économistes classiques Von Mises puis Hayek dans leurs analyses respectives du cycle du crédit, nous avons assisté au non paiement des entreprises de BTP depuis des mois ce qui était un signe précurseur. Par la suite, cela a entraîné dans son sillage le système bancaire local et a affecté le portefeuille d’actifs industriels et immobiliers à l’étranger aux US et également en Europe où selon le quotidien français le monde du 29 novembre 2009, il est question de 13 milliards d’euros (plus de 20 milliards de dollars) pour les banques européennes dont quelques banques Françaises. Cette crise devrait affecter l’ensemble du système financier du Golfe dans son ensemble fin 2009 et selon les spécialistes durant toute l’année 2010. Cette crise sera aggravée à l’avenir par la baisse Moody’s a notamment passé DP World, relevant de Dubai World, de A3 à Baa2, comme la compagnie d’électricité et d’eau (Dubai Electricity and Water Authority), et le géant immobilier Emaar Properties de Baa1 et l’agence Standard and Poor’s a également rétrogradé la notation de cinq compagnies, dont DP World et Emaar Properties, ce qui aura pour impact de renchérir leurs emprunts.

4.- Or, ces entreprises doivent honorer au cours des trois prochaines années des engagements représentant les trois quarts du produit intérieur brut (PIB) de cette nation, la dette du conglomérat Dubai World étant estimée à 59 milliards de dollars sur 80 milliards de dollars de dette publique de l’émirat. Par ailleurs, le prix de la couverture contre un défaut de paiement de la dette souveraine de Dubaï (CDS) est passé de 111 points de base à 429 points,portant l’Emirat au sixième rang mondial des États les moins solvables de la planète, d’après l’agence Bloomberg qui note également que l’indicateur clé des risques de faillite, le coût du CDS de Dubaï a plus grimpé en un mois que l’avait fait celui de l’Islande, en octobre 2008, en pleine tourmente financière. Quels impacts ? Au préalable du fait de la faiblesse de la population, l’impact sera surtout les licenciements des nombreux asiatiques et très accessoirement sur les locaux. Par ailleurs, la crainte d’une faillite généralisée est peu probable à condition que son voisin très riche, Abu Dhabi vienne à son secours, lui ayant emprunté déjà courant 2009 plus de 10 milliards de dollars. Mais il faut se rappeler des exemples des faillites des états au début des années 2000 ce qui était le cas de l’Argentine et l’Indonésie Reste qu’en échange d’une nouvelle aide, le suzerain pourrait exiger de monter au capital, principalement dans Emirates Airlines et Dubaï Ports. Toutefois, l’annonce faite par la Banque centrale des Emirats arabes unis de la mise à disposition de liquidités supplémentaires pour consolider le système bancaire ne suffira certainement pas même si elle est permet d’atténuer la chute car cet apport d’argent frais ne suffira pas à éponger les dettes de Dubaï, qui représentent 70 % de son produit intérieur brut (PIB). Et surtout comme dans toute économie, ce qui fera le plus de dégâts c’est la crise de confiance. Et plus rien ne sera comme avant pour Dubaï, autant d’ailleurs pour les effets de al crise d’octobre 2008 préfigurant d’importants bouleversements géo- stratégiques et socio-économiques entre 2015/2020.

5- L’Algérie ne peut être épargnée par cette crise pour les segments où Dubaï a investi ayant misé sur un taux de profit record en Algérie. Où selon le gouverneur de a banque d’Algérie le taux de profit bancaire et de certains services a dépassé les 28% entre 2007/2008 témoignant de la faiblesse de l’Etat régulateur en Algérie stratégique en économie de marché qui pris une fois au dépourvu, met en œuvre des mesures administratives, témoignant du manque et de cohérence et de visibilité dans la démarche de la politique socio-économique. Aussi, cette crise de Dubaï aura un impact tant pour les investissements de Dubaï réalisés en Algérie dont deux ports et un projet en association avec Sonatrach et d’une manière générale pour les autres projets des pays du Golfe.

Et si l’Algérie veut éviter l’annulation de ces projets, elle devra soit venir au secours de ces sociétés financièrement, soit les racheter pour les gérer sur fonds propres. Mais attention pour l’Algérie, car il y a risque d’une généralisation à certains des pays du Golfe, cela n’étant donc pas propre à Dubaï selon certaines informations car récemment certaines banques du Golfe ont été contraintes de se provisionner après les défauts de paiement de firmes d’investissement.

En espérant qu ’une partie des réserves de change algériens n’aient pas été investies dans ces segments immobiliers à Dubaï, le pouvoir algérien après les départs de nombreux investisseurs arabes alors que les officiels promettaient un afflux de capitaux entre 20/30 milliards de dollars par an et la récente expérience égyptienne doit en privilégiant uniquement les intérêts de l’Algérie, se demander si les capitaux arabes favorisent réellement l’accumulation interne du savoir faire organisationnel et technologique car dans la pratique des affaires, il n’y pas de fraternité et de sentiments selon la devise bien connue des américains « business, business avant tout ».

6.- Combien n’avons pas vu en Algérie de délégations arabes reçues en grandes pompes par les plus hautes autorités du pays avec des promesses sans lendemain, le but recherché étant le commerce ou des activités de court terme peu créatrice de valeur ajoutée car étant surs d’être payés grâce aux réserves de change. Mais malheureusement cela concerne également, il faut être objectif, d’autres délégations occidentales et asiatiques en rappelant que les apports de capitaux chinois de la Chine en Algérie pour 2008 ne dépasse pas 800 millions de dollars soit un taux tendant vers zéro rapporté au total du programme. Et que hormis les hydrocarbures et les investissements directs étrangers porteurs sont négligeables contrairement à nos deux voisons marocains ou tunisiens. A qui la faute et n’est-elle est pas partagée devant éviter de tout faire retomber sur l’extérieur car la réforme globale est en panne en Algérie? Aussi , il s’agira de tirer les enseignements car la raison principale de la crise de Dubaï a reposé son développement principalement sur l’immobilier à l’instar de l’Espagne, pays européen le plus touché par la crise. Cela devrait être médité par le gouvernement algérien qui favorise l’immobilier avec des crédits hypothécaires à des taux d’intérêts artificiellement bas inférieur au taux d’inflation, la différence étant supportée par le trésor public afin de soutenir le pouvoir d’achat en nette détérioration car il est impossible à la majorité des Algériens d’acheter au prix actuel un logement.

7.- Et c’est pourquoi j’ai soutenu au lendemain de la suppression des crédits à la consommation que le risque futur de l’insolvabilité des ménages algériens repose sur ces crédits et il y a lieu de consulter les bilans des banques pour s’en percevoir. Et s’il y avait un retour de conjoncture exigeant le relèvement des taux d’intérêt ? Tout cela a été fait au détriment de la sphère directement ou in directement productive absorbant la presque totalité du programme de soutien à la relance économique 2004/2009 fondé essentiellement sur la dépense publique via les hydrocarbures avec des surcoûts exorbitants comme en témoigne le projet de l’autoroute Est/Ouest dont le coût a plus que doublé par rapport au coût initial .

Ce dernier sera clôturé à plus de 200 milliards de dollars mais avec un impact mitigé comme le montre le faible taux de croissante ( moyenne inférieure à 3% entre 2004/2009, et également inférieure au taux de croissance de la population active) avec des dépenses monétaires sans corrélation avec les impacts économiques et sociaux, alors que ces dépenses auraient du occasionner un taux de croissance global supérieur à 7/8%,( donc mauvaises gestion et gaspillage des ressources financières ), en rappelant que les deux fondamentaux du développement du XXIème siècle sont le savoir et la bonne gouvernance au sein d’un monde de plus en plus interdépendant,les réserves de change dues aux hydrocarbures n’étant qu’un signe monétaire.

Dr Abderrahmane Mebtoul

Professeur d’Université en Sciences Economiques