Claude Le Roy : Mes favoris à la CAN ?

Claude Le Roy : Mes favoris à la CAN ?

article_leroy.jpgLe Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Ghana et… l’Algérie»

«Vous êtes en Coupe du monde, à vous d’éteindre le feu maintenant»

Toujours aussi affable et courtois, Claude Le Roy a accepté de répondre aux questions du Buteur. A travers les analyses du sélectionneur d’Oman, on perçoit une grande connaissance du football africain et de l’Algérie avec laquelle Le Roy a «un lien sentimental très fort» comme il aime à le répéter. Et le moins que l’on puisse dire est que Le Roy nous réserve des surprises. Et des belles !

Vous étiez parmi les rares techniciens à donner l’Algérie favori pour la qualification en Coupe du monde dès le lendemain du tirage au sort. Sur quoi vous êtes-vous basé à l’époque ?

Sur le papier, le favori c’était l’Egypte en tant que double champion en titre, mais il y avait un élément sur lequel je me suis basé pour émettre mon pronostic : l’Egypte est une équipe peut-être solide et cohérente, mais ses joueurs sont presque tous près de la retraite, c’est une équipe en fin de course. En face, les Algériens avaient non seulement un potentiel énorme, mais une grande envie de prouver au monde entier qu’ils étaient de retour au premier plan.

Des observateurs en Algérie pensent que l’Egypte a eu tort de penser qu’elle était tombée dans un groupe à sa portée…

Je ne suis pas de cet avis car quand on connaît bien le football, on sait qu’un adversaire n’est jamais facile en Afrique désormais. Ce sont peut-être les médias et les supporters égyptiens qui ont crié victoire après le tirage au sort, pas le staff technique et les joueurs. S’il y a eu un début laborieux des Egyptiens avec un nul au Caire face à la Zambie et une défaite en Algérie, c’est que tout simplement il y avait des adversaires de qualité.

Avez-vous suivi la double confrontation entre l’Egypte et l’Algérie ?

J’ai suivi le match du Caire, pas celui du Soudan parce que j’étais en Inde.

Que pensez-vous du match du 14 novembre ?

Vous voulez dire des incidents (rires) ? Car finalement, on a beaucoup plus parlé du bus de l’équipe d’Algérie caillassé par des supporters égyptiens que du match en lui-même. Certains disent que le football est un jeu, hélas il y a des enjeux que j’ignore et qui font que certains pays font usage d’intimidations, voire d’agressions. Malheureusement, le foot est dépassé par les hommes qui sont prêts à générer la haine. Mais attention ! Je ne parle pas que de l’Egypte, j’ai personnellement vécu ça durant toute la période où j’ai entraîné en Afrique. J’ai l’impression qu’il y a des intérêts plus importants que les intérêts purement footballistiques. Pour l’Algérie, ce n’est qu’un mauvais souvenir car vous avez atteint votre objectif. Vous êtes en Coupe du monde, à vous d’éteindre le feu maintenant. Il ne sert à rien de revenir en arrière et reparler de ce que l’équipe d’Algérie a vécu au Caire. Seul l’avenir compte pour l’Algérie. Il faut juste répéter aux gens que le football ne doit être que du jeu.

En Angola, ce sera l’une des rares fois que vous n’assisterai pas à une CAN. Comment allez-vous suivre la Coupe d’Afrique 2010 ?

Détrompez-vous, je ne vais pas rater la CAN d’Angola, mais je ne serai pas sur le banc.

Ah bon ?

Oui, Orange l’entreprise de téléphonie mobile, ses dirigeants m’ont proposé de couvrir pour eux toute la Coupe d’Afrique. Je vais donc rester en Angola durant toute la phase finale.

Serait-ce difficile de ne pas être sur le banc ?

Vous savez, je ne suis pas le genre à regarder beaucoup en arrière. Je suis le recordman des matchs de phase finale de Coupe d’Afrique, je ne peux pas me plaindre. Et puis, j’ai quitté le Ghana de mon plein gré après la CAN-2008 alors qu’on me proposait une prolongation de contrat. Pour toutes ces raisons, je ne crois pas qu’il me sera difficile de ne pas être sur le banc en Angola. J’ai déjà quitté l’Afrique pour y revenir à plusieurs reprises, et il est probable que je reprenne un jour une sélection africaine.

Pouvez-vous analyser pour nous le groupe A compopsé de l’Algérie, l’Angola, le Mali et le Malawi ?

Jouer le pays organisateur c’est toujours plus compliqué parce qu’il y a quand même un avantage lorsqu’on organise la compétition chez soi, surtout que l’Angola n’est pas une équipe médiocre.

Ils ont été en Coupe du monde en Allemagne. Dans une phase finale, il ne faut surtout pas perdre de points contre ceux que l’on considère les petits du groupe, dans ce cas le Malawi. Je pense enfin que, pour l’Algérie, le danger viendra du Mali car s’ils seront au complet, ce qui n’a pas été le cas durant les éliminatoires, ils seront difficiles à arrêter. Pour moi, il n’est pas normal que le Mali avec tous ses joueurs qui évoluent dans les meilleurs clubs du monde n’arrive pas à réaliser un coup d’éclat en faisant quelque chose en Coupe d’Afrique ou en se qualifiant en Coupe du monde. Il y a des mystères comme ça dans le football et le Mali en est un, tout comme la RD Congo, le Maroc ou le Sénégal.

Ces pays constituent un gâchis monumental.

Vous qui avez cru en l’Algérie avant le début des éliminatoires, croyez-vous en elle en Coupe du monde ?

Une Coupe d’Afrique des nations, c’est un très excellent banc d’essai. C’est une compétition de très haut niveau qui va nous permettre de voir si l’Algérie et les autres représentants de l’Afrique en Coupe du monde sont prêts pour aborder la Coupe du monde. Si les Algériens arrivent à jouer six matchs en Angola, et c’est ce que je leur souhaite d’ailleurs, ce sera un très bon révélateur pour mon ami Saâdane à quelques mois du Mondial.

Je pense toutefois que les Algériens sont dans une bonne dynamique avec cette brillante qualification en Coupe du monde qui leur a permis de capitaliser beaucoup de confiance avant d’aller en Angola. C’est l’équipe du Nord de l’Afrique qui ira le plus loin, surtout qu’elle est dans un groupe prenable comparé à celui composé du Ghana, Côte d’Ivoire, Burkina Faso et Togo.

Quels sont, selon vous, les favoris pour remporter le trophée africain ?

Il y a le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Cameroun, plus une surprise qui pourrait être l’Algérie ou le Nigeria à un degré moindre. Il y aura des revanchards qui ont raté la qualification en Coupe du monde à l’instar de l’Egypte, la Tunisie et le Mali et je pense aussi à la Zambie qui risque de surprendre beaucoup en Angola ; et les Algériens seront sans doute de mon avis. Durant les éliminatoires elle a produit le meilleur jeu, mais n’a pas eu de chance à la fin, et quand on joue bien ça finit toujours par payer.

On vous laisse vous reposer, parce qu’on vous sent fatigué…

C’est vrai que j’ai la voix enrouée après avoir attrapé froid en Inde où j’étais en voyage. Le bonjour à tous les Algériens et à M. Saâdane qui, j’imagine, ont passé le plus beau Aïd depuis longtemps.

Entretien réalisé par M. S.