Afghanistan : Les drones, dilemme stratégique de l’état-major américain

Afghanistan : Les drones, dilemme stratégique de l’état-major américain

drone-afghanistan_166.jpg« Le futur de la guerre », « la révolution du champ de bataille ».

Aux yeux des hauts gradés de l’armée américaine, les UAV(Unmanned aerial vehicles – avions sans pilote), rassemblés sous le terme générique de drones, tiennent plus de l’arme fatale que du gadget high-tech.

Depuis 2001, ces étranges appareils sont devenus l’outil numéro un des Etats-Unis pour lutter contre Al-Qaeda.

Face au relief capricieux de l’Afghanistan et du Pakistan, celui des chausses-trappes montagneux et des grottes secrètes, ils cumulent deux rôles.

Non seulement ils espionnent les taliban, mais ils peuvent aussi les tuer.

Pour preuve, au seul Pakistan, au moins 365 d’entre eux auraient trouvé la mort depuis le début de l’année, contre 316 en 2008.

Sollicités par les soldats sur le terrain (qui vont parfois jusqu’à annuler certaines missions s’ils ne sont pas disponibles), les drones auraient directement contribué à éliminer la moitié des 20 responsables les plus importants d’Al-Qaeda.

Nouvelle catégorie de soldats

Si leur atout logistique est indéniable, leur avantage est aussi financier.

Là où un avion de chasse vaut 350 millions de dollars, un drone n’en coûte que 40 millions.

Dans ces conditions, Robert Gates a pris une décision draconienne.

Le secrétaire à la Défense a récemment assuré que le F-35, successeur du F-16 en développement, serait le dernier chasseur conçu par les Etats-Unis.

Dans un long reportage en trois parties diffusé lundi par CNN, on découvre qu’une nouvelle catégorie de soldats est en train de naître sur la base de Creech, dans le Nevada.

Alors qu’ils n’ont parfois jamais piloté un avion de leur vie, les opérateurs ne courent aucun danger, si ce n’est de se tuer au volant en rentrant dans leur pavillon familial, chaque soir.

En 1986, pendant la guerre entre l’Afghanistan et l’URSS, les missiles Stinger fournis par les Etats-Unis avaient permis aux moudjahidines du commandant Massoud de reprendre le contrôle aérien aux dépens des troupes soviétiques, forcant leur retrait en moins de trois ans.

Aujourd’hui, des engins aux noms aussi évocateurs que Predator (prédateur) ou Reaper (moissonneuse) – conçu pour tirer des missiles – permettraient donc aux Etats-Unis et à leurs alliés de s’extirper du bourbier afghan.

Limiter les dommages collatéraux

Problème, le nombre de pertes en Afghanistan grimpe de manière exponentielle depuis le début de l’année.

Dans un rapport confidentiel de la Force internationale d’assistance et de sécurité publié au mois d’avril, on apprend que les pertes au sein des troupes de la coalition ont augmenté de 55%.

De son côté, le site iCasualties recense 226 morts depuis le mois de janvier, ce qui laisse présager des chiffres en nette hausse par rapport à 2008.

A l’heure où les opinions publiques grondent, où plus de la moitié des Britanniques souhaient le retour des troupes, le salut occidental passe-t-il vraiment par ces coucous semi-autonomes ?

Depuis la fin du mois de juin, l’OTAN mène deux opérations dans la région du Helmand, cheville ouvrière de la production de pavot et fief des insurgés taliban.

Qu’il s’agisse de Panchai Palang (« Griffe de Panthère »), menée par les Britanniques, ou de Khanjar (« Coup d’Epée »), lancée par les Américains, le mot d’ordre est le même: « dégager, tenir, construire ».

En filigrane, il s’agit surtout de limiter les dommages collatéraux.

« Nous devons éviter le piège des victoires tactiques qui deviennent des défaites stratégiques en causant des victimes civiles […] nous aliénant la population », déclarait ainsi il y a trois semaines le général Stanley McChrystal, commandant des troupes amériaines en Afghanistan depuis le mois de mai.

Dans son viseur, les attaques aériennes, menées principalement par les drones.

Pour le général David Deptula, responsable du renseignement au sein de l’US Air Force, les avions sans pilote allient « la puissance et l’invulnérabilité ».

Pourtant, leur mécanique élaborée pourrait être grippée par un esprit de corps au sein de la population.

Sans surprise, les taliban tentent de capitaliser sur la « lâcheté des Etats-Unis ».

L’année dernière, déjà, le couplet du chant afghan à la mode accusait les troupes américaines de « faire la guerre sans honneur »…