69e édition de la Berlinale: Des films qui témoignent de l’état du monde

69e édition de la Berlinale: Des films qui témoignent de l’état du monde

     La chasse à l’Ours d’or est lancée depuis le 7 février dans le nouveau quartier Potsdamer Platz, où seront programmés pas moins de 400 films inscrits dans les diverses sections du festival.

Berlin. Le ciel est capricieux. Les festivaliers sont affairés à découvrir les dernières productions cinématographiques, à négocier les achats de film ou à visiter les curiosités touristiques situées autour des lieux où se déroule la 69e édition de la Berlinale qui se tient du 7 au 17 février, dans le nouveau quartier Potsdamer Platz.

Le festival s’y est installé depuis 2000 alors que l’endroit, à la frontière de deux villes savourant la réunification, était encore désert et boueux. Aujourd’hui, les bâtisses en verre se rivalisent, les hôtels de luxe se toisent, les vitrines lumineuses s’alignent et les nombreuses salles de cinéma se concurrencent. Cette spectaculaire transformation, la ville la doit surtout au populaire directeur du festival, l’Allemand Dieter Kosslick, 70 ans, qui signe cette année sa dernière édition. Après 18 ans de règne, il passe le flambeau à une direction bicéphale, à partir de l’an prochain. Pour son final, il a tenu à rendre hommage aux femmes dont la Danoise Lone Scherfig qui a ouvert la compétition avec The Kindness of strangers dans lequel joue entre autres Tahar Rahim.

Dix-sept films dont 7 signés par des femmes sont en lice pour l’Ours d’or, alors que quelque 400 films sont au programme dans les diverses sections du festival berlinois. L’actrice française Juliette Binoche, qui avait reçu le prix d’interprétation à Berlin en 1996 pour Le Patient anglais, préside le jury. Les festivaliers vivront tout au long du festival avec l’attente de savoir qui succédera aux deux dernières lauréates successives, à savoir la réalisatrice roumaine Adina Pintilie, pour Touch me not et la Hongroise Ildiko Enyedi pour Corps et âme.

Tout en restant dans l’esprit de la présence féminine au festival, parmi les films en concours pour l’Ours d’or et les plus remarqués cette année, il y a justement Mr Jones de la Polonaise Agnieszka Holland qui dresse le portrait de Gareth Jones, journaliste gallois qui a dénoncé la famine dans l’Union soviétique sous le règne de Staline, en 1933. Le reste des films est dominé par ceux qui témoignent de l’état du monde. Le Chinois Wang Xiao-shuai avec So long, my son livre une longue fresque historique de son pays ; le Brésilien Wagner Moura, avec Marighella, revisite la dictature militaire dans son pays à travers le destin tragique d’un activiste ; l’Italien Claudio Giovannesi dans Piranhas explore la pègre napolitaine qui connaît un rajeunissement inquiétant, et enfin l’Allemand Fatih Akin dans The Golden Glove explore la violence humaine à travers l’histoire vraie d’un tueur en série hambourgeois.

Ce dernier, se disant partisan justement de montrer de la violence crue et ne cherchant pas à plaire, a secoué les festivaliers. L’autre sujet phare de cette édition est la dénonciation de la pédophilie. Il est présenté surtout à travers Grâce à Dieu de François Ozon qui est le seul Français en compétition. Le film parle des présumés abus sexuels attribués au père Preynat, que le cardinal de Lyon, Philippe Barbarin, a prétendument couvert. En France, la défense du père accusé demande déjà le report du film tant que le procès n’a pas eu lieu. Le réalisateur de Huit femmes se défend d’avoir fait un film à charge.

“La plupart des gens qui attaquent le film ne l’ont pas encore vu, donc c’est plus des attaques de principe je pense”, a réagi François Ozon lors d’une conférence de presse à Berlin. Malgré l’accalmie et le recul du terrorisme, le cinéma ne semble pas oublier ce sujet. Cette année, il revient à travers L’Adieu à la nuit du Français André Téchiné, avec Catherine Deneuve en grand-mère qui découvre que son petit-fils veut rejoindre le groupe État islamique. Pendant ce temps, contrairement au festival de Cannes, la Berlinale trouve un terrain d’entente avec Netflix qui participe à la chasse à l’ours berlinois avec Elisa and Marcela de l’Espagnole Isabel Coixet.

Pour rappel, depuis 2008, Potsdamer Platz n’a jamais été autant animé qu’en ce début de semaine. Les projections se succèdent, le ciel continue de pleurer et les dizaines de shuttles-bus tournent autour des sites où le marché se tient pour déposer ou prendre les nombreux acheteurs, vendeurs et festivaliers. Les ours sont visibles partout dans les vitrines de souvenirs. Mais les plus prisés, ceux en or, seront attribués en fin de semaine.

T. H.